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DE L’OR POTABLE.

Car son action est veneneuse, et par sa venenosité il esmeut toutes les parties de l’estomac, du ventre, et de tout le corps, et cela se fait par une exalation qui est causee de luy mesme, par ce qu’il est imparfait, et qu’il a esté tiré de la miniere auparauant que sa decoction fut venue en sa perfection : comme ainsi soit que les metaux parfaits ne pourroyent esmouuoir aucune vapeur en l’estomac comme fait l’anthimoine. Voila comment il faut parler des choses auecques preuues fondées sur quelque raison, non pas aller chercher les corps celestes, comme aucuns qui, pour prouuer le restaurant d’or, montent iusques au ciel, et vont chercher vn sol, luna, mercure, et autres planettes, iusques au nombre de sept : disans qu’elles ont domination sur les metaux et sur les corps humains : ie n’entends rien en l’Astrologie, mais bien sçay-ie que le corps humain ne peut estre nourry que de choses suiettes à putrefaction : et d’autant que l’or ne se peut putrifier ny consommer au corps de l’homme, ie dy et maintiens qu’il ne peut seruir de medecine, ny de restaurant ; et que toutes choses desquelles la langue ne peut faire attraction de saueur, ne peuuent seruir à la nourriture. Car Dieu a mis la langue pour sonder les choses qui sont vtiles, pour les autres parties du corps, et faut noter que quand vn homme est fort malade, on lui baille des viandes les plus tendres ; si on luy baille du fruit, on le fait cuire afin qu’il soit plutost mis en putrefaction : Autrement l’estomac debile ne les pourroit consommer pour enuoyer la liqueur nutritiue à toutes les parties du corps, et le marc aux parties excrementales. Si ainsi est qu’vn estomac debile trauaille beaucoup à digerer vne pomme cuitte, comment peux-tu croire qu’il peut consommer l’or ? et veu que le corps ne peut rien consommer sinon les choses desquelles la langue puisse tirer quelque saueur auparauant qu’elles aillent plus outre, comment pourra il consommer l’or ? tu l’as beau taster à la langue, tu n’as garde d’en tirer aucune saueur. Veux tu que ie te die vn beau trait auant que finir mon propos ? Si la langue pouuoit tirer quelque saueur d’vne piece d’or, ie te puis asseurer qu’elle amoindriroit de poids, d’autant que la langue en auroit attiré. Aussi ie di que quelque fleur que tu flaires auec le nez, que tu diminues sa vertu, d’autant que tu en prends auec le nez. Et note encores ce poinct, que toutes les choses que tu presentes à la langue, et que tu en tires