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DE LA MARNE.

quelque decoction qui auroit esté faite, autant en est-il du fumier et de la chaux[1].

Theorique.

Tu voudrois donc conclure que les semences vegetatiues succeroyent ce cinquiesme element que tu appelles eau generatiue, comme vn homme qui succeroit de l’eau ou du vin par le trou d’vne bonde, et laisseroit la lie faire son marq au fond du tonneau ?

Practique.

Tu dis vray et n’en faut rien douter, mais faut entrer en consideration plus subtile, car les semences vegetatiues ne pourroyent faire attraction de l’eau generatiue, sans qu’elle fut humectée par les eaux communes, et te faut noter que quand les terres sont humectées par les pluyes ou rosée, ou autrement que les vegetatifs prennent de l’eau commune auec la congelatiue ; laquelle eau commune luy empesche la trop hatiue congelation, et de là vient que les frouments et autres semences se tiennent verds iusques à leur maturité, et quand ils sont meurs et que le pied laisse son succement et qu’il n’a plus que faire de nourriture, l’eau exalatiue s’en va et la generatiue demeure : et comme la decoction des plantes se parfait, la couleur aussi change, comme il fait semblablement és pierres et à toutes especes de mineraux, comme ie t’ay dit en mes autres traitez parlant des mineraux, que toute espece de fruits changent de couleur en leur maturité, suyuant quoy ie t’ay tousiours dit, en parlant de l’element cinquiesme,

  1. Ce cinquième élément, que Palissy a tant de peine à définir, et auquel il donne tantôt le nom de Sel, tantôt celui d’Eau générative ou congélative, était une pensée de premier ordre, mais qui ne se présentait pas bien nettement à son esprit ; et cela ne doit point étonner dans un physicien qui s’était formé lui-même, un chimiste qui, suivant son expression, avait appris la chimie avec les dents. On comprend toutefois qu’après avoir réfléchi sur l’acte de la composition et de la décomposition des corps, et n’ayant pu trouver la raison de ces phénomènes dans les idées physiques de son siècle, pas plus que dans les quatre éléments de l’école d’Aristote, il en ait cherché la cause dans une force particulière, un cinquième élément qui, selon lui, unissait, séparait les parties des corps ou les maintenait dans leur état et dans leurs formes. On voit qu’il ne s’agissait pas moins que de l’attraction, de l’affinité et de la force vitale, qui se présentaient à Palissy, parfois comme une substance soluble, sapide, colorée, odorante, d’autres fois sous la forme d’un liquide chimique, toujours comme un élément particulier, une force occulte, principe de toute action entre les matériaux des corps naturels. Qui oserait assurer que cette pensée instinctive, bien que vague et obscurément exprimée, ait été perdue pour Boyle et pour Newton ?