Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
424

en vn germe, que autres disent estre vray ambre gris, ce qui est faux ; les autres ont dit que c’est la fiente d’vn certain poisson que la mer iette sur le sablon, qui est amassé et apporté pour ambre gris.

Il me souuient auoir trouué vn bec d’vn poisson et vne pierre d’ambre qui resembloit le bec d’vn petit oyseau qui est frequent en ce pays, qui se nomme vn gros bec, autrement ne se nomme, et celuy qui auoit vendu l’ambre, soustenoit que c’estoit le bec d’vn poisson que l’autre poisson auoit mangé.

Or deuinez que c’est, et le quel est de ces trois, et si tu ne le sçais, ie t’en vais dire mon opinion : c’est vne belle misture et sophistication qui nous est enuoyée par les Turcs et Arabes, qui nous la font payer plus que l’or, et s’en moquent, et nos Medecins qui n’ont eu le sens et entendement de sçauoir que c’est, nous contraignent acheter ce bel abus à grand coust, pour en conforter et restaurer les malades, qui possible est contraire, et ainsi en abusent les pauures gens, auec grands coustanges.

Maistre Lisset s’est fort bien ingeré de nous vouloir parler des choses rares, que nous ne pouuons auoir ny recouurer qu’à grand frais et peines, comme la vraye terre sigillée, le balsamon, le myrre, le rheon, l’amomon, et le vray Cinamomon et tant d’autres. Il est venu trop tard pour nous enseigner cela, et autres choses : car feu Monsieur Symphorien Champier nous en a desbandez les yeux, il y a passé vingt-cinq ans, par son liure intitulé, Le Miroir des Apoticaires, et Lisset nous le veut ramener, et pense que nous l’ayons oublié. Celuy ne nous a iniurié comme Lisset, ains remonstré affablement. Aussi auoit-il plus de sens d’esprit et sçauoir que Lisset. Il l’a monstré par ces escritures, car il ne nous accuse estre les inuenteurs d’abus, et n’en dit rien aussi ; qui est-ce qui nous a apprins à abuser (si abus il y a) ? N’est-ce pas les Medecins ? S’ils parlent contre nous, ils parlent contre eux : car c’est eux qui sont les autheurs. Regarde nos vieux antidotes, et tu verras la maniere comme nous auons esté enseignez et apprins ; puis se pensent bien excuser, disant, que c’est nous qui faisons les abus qu’ils nous ont apprins.

Maistre Lisset dit que les herbes siluestres qui croissent sans cultiuer, sont de plus grande vertu que celles qui sont