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dedans le champ, elle seruira d’autant de fumier, parce qu’elle laissera la mesme substance qu’elle auoit attiree de la terre. Il est temps que ie face fin à ce propos : car si tu ne veux croire les raisons susdites, ce seroit grand folie de te donner autres exemples : toutesfois, parce que nostre propos a esté dés le commencement, pour te remonstrer que les pluyes emportent le sel des fumiers qui sont au descouuert, ie te donneray encore pour conclurre mon propos, vn exemple, qui te suffira pour le tout. Pren garde au temps de semailles, et tu verras que les laboureurs apporteront leurs fumiers aux champs, quelque temps auparauant semer la terre, ils mettront iceluy fumier par monceaux ou pilots dans le champ, et quelque temps apres, ils le viendront espandre par tout le champ : mais au lieu où ledit pilot de fumier aura reposé quelque temps, ils n’y laisseront rien dudit fumier, ains le ietteront deçà et delà, mais au lieu où il aura reposé quelque temps, tu verras qu’apres que le blé qui aura esté semé sera grand, il sera en cest endroit plus espes, plus haut, plus verd, et plus droit. Par là tu peux aisement cognoistre, que ce n’est pas le fumier qui a causé cela, car le laboureur le iette autre part : mais c’est que quand ledit fumier estoit au champ par pilots, les pluyes qui sont suruenues, ont passé à trauers desdits pilots, et sont descendu à trauers du fumier iusqu’à la terre, et en passant, ont dissout et emporté certaines parties du sel qui estoit audit fumier[1]. Tout ainsi que tu vois que les eaux qui passent à trauers des terres salpestreuses, emportent auec elles le salpestre, et apres que les eaux ont passé par lesdites terres, lesdites terres ne peuuent plus seruir à faire salpestre, car les eaux qui ont passé, ont emporté tout le sel : autant en est-il des cendres, desquelles les Salpestreurs se seruent, et semblablement de celles qui seruent aux buees : et voyla pourquoy elles sont apres inutiles, qui est le poinct qui te doit faire croire ce que ie t’ay dit dés le commencement : c’est à

  1. Voilà une théorie singulièrement avancée pour le siècle où elle était émise, et qui dénote dans l’auteur un admirable esprit d’observation, « Trois cents ans nous séparent bientôt de B. Palissy, et l’expérience de nos jours a parfaitement confirmé ces idées. Il est évident que ce sont les sels, et notamment les sels ammoniacaux (sulfate, carbonate et chlorhydrate), qui jouent le rôle le plus important dans l’action des engrais. » (Hoëfer, Hist. de la Chimie, t. ii, p. 91.)