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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/77

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de la naissance, et la branche, elle est contrainte se desuier par autre voye en tenant lignes obliques, et tant plus il y a de branches audit tronc, d’autant plus se trouuent diuerses figures au bois d’Érable. Et pour bien cognoistre cela, va à vn ruisseau où il n’y a gueres d’eau et mets plusieurs pierres dedans le cours de l’eau, enuiron distantes de quatre doits l’vne de l’autre : si les pierres sont vn peu plus hautes que l’eau, tu verras que les pierres feront diuertir l’eau en la maniere que dessus. Si ce secret estoit cogneu de tous les bois d’Érable, ils ne seroyent bruslez, ains seroyent gardez precieusement, desquels on pourroit faire de belles colonnes, et autres telles choses. Puis que nous sommes sur le propos des arbres, et des abus que les ignorans commettent au gouuernement d’iceux, combien penses tu qu’il y ait de gens, qui regardent le temps et saison conuenable pour coupper les bois de haute futee ? De ma part, ie pense qu’il y en a bien peu : vray est que communement ils ne les couppent pas en esté, parce qu’ils ont d’autres affaires, qui les pressent : et parce qu’ils n’ont rien à faire en hyuer, et qu’il fait bon trauailler pour s’eschauffer, ils couppent communement leurs bois en hyuer : car en esté ils ne pouroient finer de iournalliers, par quoy sont contrains d’attendre l’hiuer : mais il faut philosopher plus outre, car si les bois sont coupez és iours que le vent est au Sus, ou au Ouëst, ce sont les vents humides, lesquels par leurs actions font enfler les bois, et remplir les porres d’humidité : et estans ainsi enflez, humectez, et abreuuez, s’ils sont couppez en tel estat, l’humeur qui est dedans les porres s’eschauffera, et engendrera quelques cossons, ou vermines, qui quelque temps après gasteront le bois. Quoy qu’il en soit, la charpante d’vn bois couppé en la saison susdite sera de petite duree : mais si le bois est couppé en temps de froidures, et que le vent soit au Nord, les porres desdits bois sont resserez en telle sorte, que comme l’homme est plus sain et plus fort en temps de froidure, que non pas au temps que par sueur les humeurs sont dilatees, et les porres ouuerts, semblablement le bois qui est couppé au temps que le vent est au Nord, il est plus halis et plus fort que non pas en esté. Et te faut aussi noter que nulle nature ne produit son fruit sans extreme trauail, voire et douleur : ie dis autant bien les natures vegetatiues, comme les sensibles et raisonnables. Si la