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terres vareneuses[1], auxquelles se trouue vn nombre de cailloux, qui se forment annuellement en la terre, qui sont fort cornus, et raboteux, et mal plaisans par le dehors : mais par le dedans, ils sont blancs et cristalins, fort plaisans, et propres à faire verres et pierreries artificielles[2]. La cause que lesdits cailloux sont ainsi cornus et raboteux par le dehors, c’est à cause de la place et lieu où ils ont esté formez, qui est, que quelque temps apres que les herbes et pailles dudit champ ont esté pourries, et qu’il aura demeuré long temps sans pleuuoir, il viendra quelque temps apres, qu’il fera vne certaine pluye, qui prendra le sel de la terre et des herbes qui auoyent esté pourries dans le champ : et ainsi que l’eau courra le long du seillon du champ, elle trouuera quelque trou de taupe, ou de souris, ou autre animal, et l’eau ayant entré dedans le trou, le sel qu’elle aura amené prendra de la terre et de l’eau ce qu’il luy en faut, et selon la grosseur du trou et de la matiere, il se congelera (cristallisera) vne pierre, ou caillou tel que ie t’ay dit cy dessus, qui sera bossu, raboteux, et mal plaisant, selon la forme de la place où il aura esté congelé. Veux-tu que ie te donne des raisons, qui m’ont fait cognoistre qu’il est ainsi ? Quelquefois ie cerchois des cailloux, pour faire de l’esmail, et des pierres artificielles : or apres auoir assemblé vn grand nombre desdits cailloux, en les voulant piler, i’en trouuay vne quantité qui estoyent creux dedans, où il y auoit certaines pointes, comme celles de diamant, luisantes, transparentes, et fort belles : alors ie me commençay à tormenter, pour sçauoir qui estoit la cause de cela, et ne la pouuant entendre par Theorique, ne Philosophie naturelle, il me print desir de l’entendre par pratique, et ayant prins vne bonne quantité de salpestre, ie le fis dissoudre dans vne chaudiere auec de l’eau, laquelle ie fis bouillir : et estant ainsi bouillie et dissoute, ie la mis refroidir, et l’eau estant froide, i’apperceu que le salpestre s’estoit congelé aux extremitez de la chaudiere, et lors ie vuiday l’eau de ladite chaudiere, et trouuay que les glaçons du salpestre estoient formez par quadratures et pointes fort plaisantes. Quoy consideré deslors en mon esprit, ie vi, que les cailloux dont ie t’ay parlé, estoient aussi congelez : mais ceux qui se trou-

  1. Terres incultes auprès des marais salants.
  2. Ce sont des géodes.