Page:Papineau - Aux électeurs du comté et de la ville de Montréal, 1827.djvu/7

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le savons bien que nous sommes heureux ; nous ne nous sommes jamais plaint de ne pas l’être ; nous nous plaignons seulement de ce que vous travaillez à nous arracher ce bonheur. Nous en sentons le prix, mieux que nous ne le voudriez. Nous ne voulons pas le laisser échapper. Il ne faut pas attendre que nous l’ayons perdu sans ressource pour tâche de le conserver. Et à qui devons-nous jusqu’à présent la préservation de ce bonheur ? Est-ce à MM. de l’administration de la province qui nous le reprochent tous les jours, et qui font depuis si long-tems tant d’efforts pour nous l’ôter ? Oh ! non, Canadiens, ce n’est pas à eux ! C’est à la justice et à la générosité de notre libéral et Auguste Souverain qui a rejeté plusieurs fois les prières de ces mêmes administrateurs contre nous, quand il a pu connaître la bassesse de leurs complots. C’est à notre Chambre ferme et courageuse qui s’est toujours opposée aux injustices qu’on voulait faire au peuple. N’hésitons donc pas à lui confier encore à cette même Chambre, la préservation de ce bonheur.

Il n’est pas étonnant que nos ennemis trouvent à redire que nous parlions du malheur des Irlandais, parce qu’ils ne peuvent rien nous répondre ; c’est un fait que nous avons tous les jours sous les yeux. Et ces ennemis savent bien que c’est en les divisant, comme on veut nous diviser aujourd’hui, qu’on les a précipités dans cet abîme de maux d’où ils ne peuvent plus sortir. Que leur malheur au moins nous serve d’exemple. Si nous sommes encore heureux, faisons des efforts pour conserver ce bonheur, et pour le transmettre intact à nos enfants. Ne soyons pas assez dénaturés pour ne laisser à ceux qui portent dans leurs veines notre propre sang, qu’une Patrie remplie de misère et de larmes ; nous ne leur avons pas donné le jour pour les jeter sur une terre maudite qu’ils arroseraient en vain de leurs sueurs, sans en retirer des fruits. Si nous avons des entrailles de pères, jamais nous ne pourrons consentir d’être nous-mêmes les instruments de leur malheur futur, et du nôtre même, dans très-peu de tems ; et s’il faut, pour détourner ces malheurs, sacrifier quelque petit intérêt personnel, en bons Canadiens, en vrais Patriotes, n’hésitons pas à le faire. Quand on nous parle des maux qui nous sont réservés, si nous n’opposons pas une ferme résistance aux empiétations de l’administration, ce ne sont pas des contes en l’air ; nous avons un exemple bien frappant, bien effrayant dans le peuple dont je viens de vous parler. Ils étaient heureux autrefois, ils jouissaient chez eux des privilèges, des droits que nous avons encore. On est venu à bout, en les divisant, de les leur ôter ; et l’on sait s’ils ont eu à s’en plaindre. Nos ennemis cherchent à nous flatter, à nous jeter dans l’erreur ; mais ne nous fions pas