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violence pour empêcher la libre discussion de questions politiques ou sociales, violence physique au moyen de la loi, violence morale par l’anathème !

Il ne me reste plus qu’à vous complimenter sur la haute intelligence et la libéralité éclairée avec lesquelles vous avez proclamé et appliqué le principe de la solidarité, et du concours dans votre enceinte – comme dans toute l’organisation politique et sociale de notre patrie – de toutes les races, de toutes les croyances religieuses, de toutes les opinions librement exprimées et librement discutées.

Bien aveugles sont ceux qui parlent de la création d’une nationalité nouvelle, forte et harmonieuse, sur la rive nord du St. Laurent et des grands lacs, et qui à tout propos ignorent et dénoncent le fait majeur et providentiel que cette nationalité est déjà toute formée, grande et grandissant sans cesse ; qu’elle ne peut être confinée dans ses limites actuelles ; qu’elle a une force d’expansion irrésistible ; qu’elle sera de plus en plus dans l’avenir composée d’immigrants venant de tous les pays du monde, non plus seulement de l’Europe, mais bientôt de l’Asie, dont le trop plein cinq fois plus nombreux n’a plus d’autre déversoir que l’Amérique[1] ; composée, dis-je, de toutes les races d’hommes, qui, avec leurs mille croyances religieuses, grand pêle-mêle d’erreurs et de vérités, sont toutes poussées par la Providence à ce commun rendez-vous pour fondre en unité et fraternité toute la famille humaine.

Le grand fait est trop évident sur toute l’étendue de l’Amérique et dans toute son histoire, depuis sa découverte par Colomb ; il est trop inévitable, pour qu’on n’y reconnaisse point l’une de ces grandes indications providentielles que l’homme ne peut se cacher, et sur lesquelles néanmoins il n’a pas plus de contrôle que sur les lois immuables qui gouvernent l’univers physique.

On doit y voir l’enseignement divin de la tolérance universelle et de la fraternité du genre humain.

Sur cette base solide, l’homme du Nouveau-Monde, qu’il soit homme d’état, philosophe, moraliste, ou prêtre, doit asseoir la société nouvelle et ses nouvelles institutions.

La patrie n’aura de force, de grandeur, de prospérité, de paix sérieuse et permanente, qu’autant que toutes ces divergences d’origines ou de croyances s’harmoniseront et concourront ensemble et simultanément au développement de toutes les forces et de toutes les ressources sociales.

Ce noble programme que vous avez affiché et qui vous a attiré de l’opposition de la part de ces ennemis de la raison et de la pensée qui ont souhaité la dispersion de l’Institut et de ses livres, doit rallier autour de vous l’appui et le bon vouloir de tous les citoyens instruits et éclairés, de tous les patriotes qui désirent vraiment le bonheur et la grandeur de notre commune patrie, à nous tous Canadiens natifs et d’adoption.

Cet appui, vous le méritez. Vous l’avez conquis ; il vous restera, je n’en doute pas, et personne ne saurait s’en réjouir plus que je le fais.

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  1. Dix mille Chinois sont en ce moment sur le sommet des Montagnes de Neige, à 8,000 pieds d’élévation, construisant le grand chemin qui va relier les deux océans et faire de notre Amérique le centre commercial du monde entier.