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VARIÉTÉS POLITIQUES

HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE DU CANADA
AU GOUVERNEMENT ANGLAIS

Le morceau suivant, que nous empruntons à la dernière livraison de la Revue du Progrès, tire un grand intérêt du nom de son auteur. On sait, en effet, quelle part M. Papineau a prise aux affaires de son pays.


Le gouvernement anglais pourra peut-être pendant quelque temps encore prolonger son occupation militaire des Canadas. Mais parce qu’il a commencé la guerre civile contre des populations qui ne l’avaient pas provoquée, à qui elle n’avait pas été conseillée, qui ne la voulaient pas au moment où elle a éclaté, il a forfait au droit, et, sans retour, il a perdu la possibilité de les gouverner.

Il y a déjà seize ans, je me plaignais à lord Bathurst, alors ministre pour le département des colonies, et je lui remontrais, avec l’accent d’une douleur vivement sentie, combien était lourd le joug, et humiliante la condition de notre servage colonial. Il en convint, et voici quel fut à peu près son langage. Je rapporte cette conversation, parce qu’elle jette un grand jour sur les vues politiques, les appréhensions et les espérances secrètes de l’Angleterre.

« Je conviens, me dit lord Bathurst, que, pour des possessions continentales où les populations se trouvent doublées en peu d’années, le régime dont vous vous plaignez ne peut être qu’une époque de transition orageuse et d’évolutions maladives, que doivent suivre, pour les peuples qui y sont soumis, des jours sereins et une organisation normale de la vie politique et de l’indépendance nationale. Je crois même que les temps d’épreuve seront courts pour vous : catholique français, régis par des anglais protestans, votre position est forcée, il faut le reconnaître ; elle est contre nature. Vous êtes trop éloignés de l’Angleterre pour la bien apprécier, et trop rapprochés des États-Unis d’Amérique pour n’être pas éblouis par leur trompeuse prospérité. Je ne vous demande donc que vingt-cinq ans de patiente résignation.

» Mais, comme homme d’État, je prévois et prédis, avant la fin de cette période, de grands déchirements entre les diverses parties de la confédération américaine. L’Angleterre serait prête alors à octroyer aux colonies qui leur seraient demeurées fidèles et leur indépendance et des institutions meilleures que celles qui reposent sur le pacte fédératif. En effet, dégagée de tout contrepoids, la démocratie serait fougueuse et anarchique, tandis qu’elle serait le meilleur des gouvernements possibles si on la tempérait par une magistrature héréditaire, dont la perpétuité serait assurée, dans son éclat et sa force, au moyen de majorats et de substitutions. Il est bien entendu que le gouvernement anglais doterait de ces majorats les hommes influents comme vous, monsieur, s’ils voulaient se prêter à une aussi sage combinaison.

» En donnant votre appui à ce plan, et en le faisant accueillir à vos