Page:Papon - Histoire générale de Provence, tome 4, 1786.djvu/658

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gieux : la peste, en effet, ne s’était point encore manifestée dans la première de ces deux villes, quand le navire en partit ; mais elle se montra peu de jours après, et l’on sait qu’elle couve toujours quelque temps avant de se déclarer. Le commerce qu’il y a entre Seyde et Tripoli est cause que l’une de ces deux villes ne peut être infestée de la contagion sans que l’autre le soit bientôt après ; d’autant mieux que les Turcs ne prennent aucune précaution pour s’en garantir. L’un d’eux que le capitaine avait sur son bord, tomba malade dans la route et mourut peu de jours après ; on ordonna à deux matelots de le jeter dans la mer.

Ils eurent à peine touché le cadavre, que le maître du navire, que l’on appelle communément le nocher, leur ordonna de se retirer, et laissa aux Turcs le soin de rendre les derniers devoirs à leur compagnon ; les cordes qui avaient servi à traîner le cadavre, furent également jetées dans la mer. Les deux matelots qui l’avaient touché ne tardèrent pas d’être frappés de mort. Deux autres les suivirent de près, et le chirurgien qui les avait soignés eut le même sort. Le capitaine Chautaud, saisi de frayeur à la vue de ces accidents inopinés, en soupçonna la cause, et, s’étant séparé du reste de l’équipage, il se retira à la poupe, d’où il donnait les ordres nécessaires pour le gouvernement et la conduite du navire. Il voguait ainsi vers les côtes de Provence, lorsque trois autres matelots tombèrent malades ; ce nouvel accident l’obligea de relâcher à Livourne, où ils moururent de la même manière que les six dont nous venons de parler.


Quelque effrayante que leur mort dût paraître, étant sans doute accompagné de symptômes extraordinaires, le médecin et les chirurgiens qui les avaient traités déclarèrent qu’ils étaient morts d’une fièvre maligne pestilentielle : le capitaine Chautaud remit à la voile, et, en arrivant à Marseille le 25 mai, il donna ce certificat aux intendants de la Santé, auxquels il avoua qu’il était mort quelques hommes de son équipage, sans leur dire qu’il les soupçonnait d’avoir été attaqués par la peste, en quoi il se rendit coupable de tous les maux dont la ville fut affligée.

[…]