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ŒIL POUR ŒIL

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XVII


Le lendemain Luther Howinstein n’eût rien de plus pressé que de faire répandre le bruit qu’Herman von Buelow avait fait assassiner sa femme et son enfant et qu’il était parti pour Cythère avec une jeune dame rencontrée récemment, une aventurière fort jolie et fort troublante.

Les journaux dévoués au nouveau maître se chargèrent d’ébruiter cette nouvelle et d’y donner une publicité de mauvais aloi.

Ce qui l’accrédita fut la disparition soudaine de l’ancien ministre des affaires étrangères qui, sa mission accomplie, s’embarqua pour l’Amérique au lieu de retourner en son pays.

Comme les morts ne parlent point, nul de ceux qui furent mêlés de près ou de loin au drame où Natalie et son fils perdirent la vie, ne purent démentir les inventions d’Howinstein. Ce dernier son forfait accompli, les avait fait disparaître, en les faisant égorger tous, sans merci, par des hommes à sa solde.

Quant à von Buelow, il apprit à Londres même les événements tragiques qui venaient de s’accomplir.

Il en demeura anéanti d’abord puis animé d’un désir de vengeance il voulut partir immédiatement pour Leuberg. On lui conseilla de n’en rien faire. À son entrée sur le sol uranien il serait arrêté et fusillé le lendemain sans forme de procès.

Ses biens depuis longtemps déjà étaient placés en Amérique et ce jusqu’au jour où les affaires uraniennes devaient se stabiliser d’une façon durable.

Il s’embarqua donc pour le Canada, traînant avec lui, son cœur lourd de deuil et de désirs de vengeance.

Une fois de plus, il attendrait. Si deux montagnes ne se rencontrent pas, deux hommes se rencontrent.

Un mois à peine après son arrivée Howinstein dut se sauver précipitamment. Il erra quelque temps dans diverses capitales d’Europe, et finalement, lui aussi s’embarqua pour l’Amérique.

Où ? Personne ne le savait pas au juste. Ce qu’il faisait ? Il conspirait. Il était né conspirateur. Il éprouvait un besoin physique d’activités fébriles. Il respirait mieux dans l’atmosphère trouble des complots.

Il lui fallait, dans sa vie, de l’aventure, du mystère, des dangers. Il vivait au milieu d’eux comme dans son élément naturel, avec l’espérance qu’un jour, il retournerait là-bas jouer une autre fois un rôle de premier plan.

J’ai appris par la suite qu’il s’était marié, avait perdu sa femme il y a trois ans, à la naissance de sa fille qu’il chérissait et idolâtrait.


ÉPILOGUE


Et maintenant, j’ai la fin de mon récit.

Une découpure de journaux, un simple fait divers m’apporte le dénouement du drame.

Philadelphie. — « On a trouvé hier soir dans un appartement du centre de la ville les cadavres de deux personnes, celui d’un homme et d’une fillette de trois ans. L’homme a été identifié comme Luther Howinstein et la fillette comme son enfant… Le coroner a rendu un verdict de suicide dans un moment d’aliénation mentale. Depuis quelque temps, Howinstein manifestait une certaine nervosité et semblait la proie de troubles cérébraux ».

Suivaient des détails sur sa vie. Grâce aux lettres de von Buelow, j’ai pu reconstituer le drame.

Howinstein ne s’est pas suicidé…

Natalie Lowinska a été vengée.

Von Buelow et Pierelli le localisèrent dans une tournée à Philadelphie. Comme une ombre, Pierelli s’attachaient à ses pas, jusqu’au jour ou il put parvenir jusque chez le meurtrier de Natalie Lowinska… accompagné de von Buelow.

Il n’y eut pas de lutte. Revolver au poing, von Buelow obligea Howinstein à confesser qu’il était le meurtrier de sa femme…

Puis Pierelli, agile comme une panthère, le ligota et l’étendit dans le lit…

Il ferma toutes les issues de la pièce, approcha le petit lit de l’enfant près de l’endroit où gisait son père, ouvrit