Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/11

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Une phrase, un mot avait suffi à provoquer cette agitation momentanée, un mot qu’il retrouvait souvent dans la bouche de celle qui l’a trompé, sa fiancée d’il y a trois ans. Il a cru la revoir en même temps que vibrait à son oreille le son d’une voix connue.

Mais il a juré de n’y plus penser, de bannir son souvenir. Elle n’a jamais existé pour lui.

Et comme il est fort, comme il a de l’énergie, beaucoup, une tension de la volonté a tout chassé.


Pauline Dubois — c’était son nom — avait aimé Jules Faubert. Lui aussi. Peut-être plus qu’elle. Il avait vingt-neuf ans et pour la première fois, une femme, dans sa vie, passa, qui ne lui fut pas indifférente. Et lorsqu’on aime pour la première fois, à vingt-neuf ans, le cœur encore vierge, c’est avec une violence qui confine à la frénésie. Entier, orgueilleux, il exigeait un amour exclusif, semblable au sien.

Elle le lui avait promis.

Mais, un soir, après avoir écouté, presque bu, pour ainsi dire, les paroles mielleuses d’un jeune homme connu pour ses bonnes fortunes, elle s’était abandonnée à la magie de ses mots et lui avait cédé ses lèvres.

Faubert les surprit. Il ne fit pas de scènes, jugeant que c’était inutile. Il souffrit beaucoup mais intérieurement. Son orgueil se révoltait, cravaché trop soudainement.