Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle le regarde et voit sur toute sa figure un reflet de bonheur où nulle trace d’inquiétude ne se montre.

Est-ce par un besoin de faire souffrir l’être aimé ou par une conception soudaine de l’amour qui se change en cruauté, cruauté qui en est souvent le fond ? Est-ce la tigresse qui dort en toute femme qui se réveille ? L’être primitif a-t-il pris le dessus, celui dont la loi suprême est celle du talion ? Veut-elle simplement par un retour des choses, lui faire souffrir ce qu’elle a souffert elle-même ?

Est-ce sadisme, cruauté, vengeance ?

Elle ne le sait pas elle-même.

Au lieu de la réponse qu’il attendait, la minute de silence émue se brise par un « non » cruel, brutal.

Un cri rauque sort de sa gorge ; les yeux roulent dans l’orbite ; le cœur s’arrête puis reprend à battre lourdement, le sang se retire des joues ; et l’homme comme un taureau qu’on assomme, fléchit sur ses genoux.

Une souffrance l’étreint, aiguë, cuisante, intolérable. Il n’avait jamais pensé qu’on put tant souffrir.

Sans rien répondre, sans même la regarder, aussitôt l’arrêt prononcé, il sort, brusquement.

Elle réalise ce qui vient de se passer. Comment a-t-elle pu refuser ce que toute sa vie elle a désiré.