Page:Paquin - La tragique idylle, paru dans Mon Magazine, jan-fev 1927.djvu/3

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Les hazards d’une campagne électorale m’avaient conduit, un jour doré d’octobre, au petit village de St-X… dans le haut du comté de Portneuf. Nous devions y tenir une assemblée, le candidat et moi.

En face de chez Jean Lambert, le « boss » politique de l’endroit, une couple de cents cultivateurs s’étaient massés. Quelques-uns venaient du village, mais la plupart des concessions voisines. Ils discutaient ensemble par petits groupes, et fumaient béatement leur pipe dans l’attente du « parlement ».

Nous devions parler de la galerie des Lambert. De l’autre côté du chemin il y avait un coteau d’érables dont les feuilles épuisaient par la variété de leurs teintes la gamme entière des couleurs. La vue avait quelque chose de reposant qui nous faisait oublier par sa beauté calme les questions un peu mesquines parfois que l’on doit débattre dans une lutte politique. Dans un ciel de bleu très tendre des nuages nonchalants s’étiraient.

Le soleil faisait chanter aux arbres une symphonie de couleurs. Les rouges de toutes nuances s’alliaient aux jaunes les plus variées. Il y avait des feuilles qui saignaient ; d’autres qu’on aurait dit trempées dans l’air. Çà et là, la note claire d’un bouleau. Par terre, c’était un tapis moelleux caressant sous les pas.

Nos boniments terminés, Jean Lambert nous invita chez lui. Il nous présenta sa femme ainsi que ses deux jeunes filles. Elles étaient de clair vêtues et charmantes avec leur teint de fleur que le fard n’avait pas besoin d’aviver.

En temps d’élections chacun cherche à se montrer aimable pour capter, par la voie des cœurs, le plus de votes pour la cause qu’il défend.