Page:Paquin - La tragique idylle, paru dans Mon Magazine, jan-fev 1927.djvu/5

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d’hui. Je le revois encore couché sur son brancard à la place où vous êtes. La balle lui était entrée par un œil et l’avait tout défiguré. On ne distinguait pas ses traits tant il avait la figure couverte de sang. Quelques minutes après Rose-Marie était près de lui. Non ! quand bien même, je vivrais cent ans, jamais je n’oublierai cette journée là. Jamais je n’oublierai le cri qu’elle a lancé en ouvrant la porte. Elle se jeta sur mon pauvre Ernest comme une balle. Puis elle l’embrassa plusieurs fois tellement que sa figure à elle aussi était toute couverte de sang.

Rose-Marie Charron était la fille du marchand de l’endroit. Elle avait vingt-deux ans.

Ernest Lambert en avait vingt-six. Tempérament aventurier, dur à la misère, il passait les froides saisons à trapper à quarante milles plus au nord. Il adorait cette vie robuste, en pleine sauvagerie. La chasse était une passion, il s’en grisait. Il n’y avait pas pour lui, de volupté plus grande que de partir un matin d’octobre, au lever du jour et de courir les bois en quête de quelque orignal ou autre gibier.