Page:Paquin - Le paria, 1933.djvu/116

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Pour la dixième fois peut-être, madame Jodoin entendait exalter le dévouement de Jacques. À chaque fois, elle en percevait une sensation désagréable et qui allait s’aggravant.

Elle imaginait tout le monde ligué contre elle pour la narguer.

Ne voilà-t-il pas que le père Savard, qui profitant de la minute de répit qui précède la distribution du courrier pour se lancer dans d’interminables discussions où il voulait toujours avoir le dernier mot, se tourne de son côté et l’interpelle :

— Qui c’est qui aurait dit ça du p’tit morveux que vous avez ramené de la ville, il y a bien des années, que ça ferait une jeunesse aussi résistante et aussi endurante ?

Cette fois la mesure était comble ; c’en était trop.

— Parlez-moé z’en pas, M’sieu Savard. Fiez-vous y pas trop.

Le besoin la démangeait de détruire une réputation par des paroles fielleuses, mensongères, mais qu’à force de ruminer dans sa tête, elle avait fini par croire l’expression de la vérité.

Elle s’approcha du père Savard, regarda vers la porte, regarda autour d’elle.