Page:Paquin - Le paria, 1933.djvu/195

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— Regardez l’expression des visages, murmura Joyal à l’oreille de Jacques.

Ils reflétaient la bestialité sous les regards brillants d’une ardeur trouble.

Les applaudissements cessèrent.

L’orchestre attaqua un « blues ». L’actrice chanta.

La voix était grave et rauque, presque masculine. Elle mimait ses paroles par des inclinations de tête, des gestes de ses bras nus.

Puis, elle se tut, et se mit à danser, agitée, tournoyante, dévergondée.

— Elle a du pep !

De la table voisine, Jacques entendit cette observation. L’intonation lui en sembla admirative.

Elle avait du pep en effet. Elle en était animale ; ses inflexions n’avaient rien de gracieux. C’étaient des mouvements sans ordre, sans cohésion, exécutés rapidement avec un entrain diabolique qu’elle savait communiquer.

Jacques s’apitoya sur tous ces malheureux, arrachant au sommeil les heures les meilleures, payant de beaux deniers comptant pour demander à ce pauvre spectacle la distraction de leur esprit.

Il avala coup sur coup deux grands verres de