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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/165

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LE CONTEUR.

d’abord sur lui les regards dans un salon ; il lui plaît d’être centre ; il aime à paraître un homme rare et même singulier ; l’aspect décoratif d’un académicien le blesse : n’hésitons point à reconnaître une fois de plus notre Dumas, à qui manque seulement sa brochette de décorations. « J’aurais dû partir sans vous revoir, dit-il aux enfants de Morrel qu’il a obligés ; mais cette vertu était au-dessus de mes forces parce que je suis un homme faible et vaniteux. » Faible à l’endroit de la modestie, cela s’entend.

L’esprit répond au bras. Comme il s’agit, en cette affaire, de doter Dumas en perfection, le génie ne suffit plus. Qu’est-ce que le génie, sinon le lot dun peu tout le monde ? Hugo a du génie, Lamartine aussi, et le peintre Boullanger. Dantès y ajoute la science et le goût. Il parle toutes les langues ; même il lui arrive d’en parler plusieurs à la fois. Il connaît la chimie, la pharmacie, la chirurgie — et la toxicologie. Il les apprit d’un docteur nommé Thibaut, si l’on en croit Mes Mémoires, et de l’abbé Faria, si l’on se réfère au roman. Il est vrai que ce pauvre Faria les connut de Dumas qui ne les sut jamais qu’en rêve. Ne voilà-t-il pas bien notre quarteron de Villers-Cotterets qui confond à tout coup imagination et savoir, fantaisie et réalité ? Au surplus, les sciences positives ne le contentent point. Monte-Cristo joue volontiers les Cagliostro ou les Desbarolles. Il lit l’avenir, le gouverne, le machine avec un sérieux dont se souviendra plus tard l’Ami des femmes. Surtout c’est le goût qu’il a universel, cet ancien second du Pharaon, ci-devant marquis de la Pailleterie. Il vous cote un diamant avec l’assurance du bijoutier