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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/29

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L’HOMME ET SON TEMPS.

où sa chance encore lui donne pour voisin un certain Lassagne, un de ces bureaucrates dont Paris a le privilège, garçon d’esprit, curieux du mouvement littéraire et dramatique, et qui reprend à pied d’œuvre cette éducation aventureuse. Avec un sens exact des lacunes qu’elle comporte, il n’hésite point sur les ouvrages propres à les combler. Dumas, soutenu par sa fougue impétueuse, s’empare des grands écrivains ; il s’en repaît avec l’avidité qui anime la jeunesse de son temps. Eschyle, Sophocle, Corneille, Shakspeare, Molière, Calderon, Gœthe et Schiller, qu’il cite continuellement, et Beaumarchais, dont il ne parle guère, impriment d’abord de vifs élans à son imagination. Puis il « étend leurs œuvres comme des cadavres sur la pierre d’un amphithéâtre, le scalpel à la main ». Entendez que ce scalpel est une plume, et qu’il les lit attentivement. Shakspeare et Schiller le ravissent par la vigueur des sentiments qu’ils expriment. Sur le conseil d’un médecin nommé Thibaut, il apprend un peu de physiologie et d’anatomie, curieux de connaître le jeu des organes. Ces études l’assurent, à cette heure, dans son goût de la nature et de la force. Il recherche la passion, mais la passion qu’il aime n’est ni contenue ni convenue.

En même temps, il revoit Talma sur le théâtre, Talma dont le jeu vrai et l’admirable diction le confirment dans ses desseins. On ne sait plus assez l’action qu’exerça sur les hommes de 1830 ce tragédien qui avait le génie du drame. Aucune recherche historique ni archéologique ne lui coûtait pour établir un personnage. « Il y a dans sa manière,