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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/37

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L’HOMME ET SON TEMPS.

l’écrase, malgré ses muscles raidis et malgré ses membres d’Hercule : tel Porthos succombe sous la caverne qui s’écroule, étonné de rencontrer un fardeau trop lourd !

Cette gigantesque musculature, cette imagination embrasée, cette sensibilité à la fois exubérante et délicate, cette joie de vivre et de propager la vie, cette popularité même qui semblait inaltérable autant que l’homme, finirent par s’user dans le continuel besoin du tour de force. Les événements et le train des idées détournaient le peuple du colosse vieilli. Dumas devenait l’homme d’un autre temps. L’imagination française, déjà fort entamée depuis 1852, recevait en 1870 un coup malaisément réparable. La légende et l’énergie nationales avaient été frappées d’une blessure plus grave encore. Dumas, cette force de la nature, était comme isolé de son atmosphère vitale.

Il s’éteignit doucement à Puys, le 6 décembre 1870, dans un suprême sourire, qui résume cette extraordinaire existence de triomphe et de pouf, de labeur et de gaspillage, tout illuminée par la fantaisie. « On me reproche d’avoir été prodigue, dit-il à son fils. Je suis venu à Paris avec vingt francs. » Et montrant du regard sa dernière pièce d’or sur la cheminée voisine : « Je les ai conservés. Les voilà. »