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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/86

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

sur les sensations. Il est dans la fonction totale de ses muscles, d’abord. Il ne rêve point, ne soupire point ; il fascine, il conquiert, il défend sa prise. Cette passion, lâchée à travers la société moderne, marque moins de sensibilité même ardente que de fureur sensuelle et d’égoïsme inassouvi. Si Antony paraît aux yeux d’Adèle un homme supérieur, tenez pour certain que cette supériorité ne se repaît ni de dilettantisme ni d’idéologie.

Je n’oublie point qu’étant individualiste Antony s’arroge toutes les singularités, même celle du génie. Voilà encore un avantage des temps légendaires. Il est génial à la façon d’Ajax, fils de Télamon, et à bras tendus. Pour avoir fait des lectures à la mode, il se croit un esprit d’élite. Il pense tout savoir parce qu’il connaît ses quatre règles. « Arts, langues, sciences, il a tout appris. » Je vois ce que c’est : il a fait les mêmes études que Dumas. Et il s’en attribue des droits de suprématie dans la société. En effet, j’observe qu’il ne perd pas son temps dans les bals et soirées où il paraît. Il s’y distingue d’abord par le regard fatal et la coupe du gilet : il se fait un mérite de son tailleur. Aucune vanité ne lui est étrangère. Il recherche d’ailleurs la science comme il poursuit les femmes, pour forcer l’accès de l’aristocratie et s’établir au pinacle. C’est ce qu’il appelle lutter contre les préjugés. Homme rare, s’il l’en faut croire, mais parfaitement inutile. Homme d’imagination et d’action, mais incapable d’agir et d’imaginer qu’au profit de ses convoitises. Mais, au demeurant, assez naïf. Adossé d’un air fatal à la porte des salons, convoitant les femmes aujourd’hui