Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
INFLUENCES ALLEMANDES.

Oh ! s’il ne revient pas, comment me vengerai-je ?

Malheur ! mais non, lui-même a préparé le piège.
 
C’est bien lui ; son cheval de vitesse redouble ;
Je le vois accourir d’écume blanchissant.
 
Il va… C’est cela, bien… Tu fais ce que je veux ;
Descends de ton cheval ; flatte son cou nerveux.
 
Il va toucher le seuil… Bien ! Un pied dans la tombe…

Deux[1]

C’est la traduction presque littérale de Gœthe. Dumas a reconnu là un moyen dramatique, dont il abusera bientôt comme d’un procédé mécanique.

La scène qui suit, où le duc d’Albe arrête Egmont, a servi de modèle à l’arrestation de Monaldeschi[2]. Et voyez le don du théâtre. La discussion politique chez Gœthe est d’une autre portée morale et sociale que chez Dumas. Egmont défend la cause du peuple en politique indulgent et philosophe. Albe soutient le droit divin. Mais cette métaphysique dialoguée fait long feu. Il faut arriver au mot final : « Le roi l’ordonne ; tu es mon prisonnier », pour attraper l’émotion. C’est Shakespeare mystique, et sans flamme. La situation que Dumas en a tirée est une des plus vibrantes qu’il ait écrites. La suprême rencontre des deux courtisans ennemis, l’erreur de Monaldeschi qui, voyant Sentinelli entre deux soldats, le tient pour prisonnier, l’équivoque captieuse dont Sentinelli enveloppe ses griefs et son interrogatoire, pour ménager le coup de théâtre de la fin, voilà le drame et une scène de premier ordre :

  1. Cf. Egmont, IV, p. 343, et Christine, IV, sc. vii, pp. 270-271. Dumas reprendra plusieurs fois ce monologue. Cf. Antony, III. sc. iii, p. 197. Cf. Angèle, I, sc. vi, 113, et passim.
  2. Egmont, IV, pp. 343-351.