tous les muscles entrent en jeu. « Une galanterie ? Et cet échange assidu de leurs regards ? Cette anxiété à épier ses traces ? Ce long baiser sans fin sur son bras nu, qui gardait l’empreinte des dents dans une tache rouge comme le feu ? Ah ! et cette stupeur immobile et profonde où je l’ai vu plongé, semblable sur sa chaise à l’extase personnifiée… Galanterie ? » Voilà notre Dumas tout étonné de ne pouvoir traduire ces passages que par des centons de Racine :
De leurs mille témoins trompant la vigilance,
Je voyais en secret leurs regards se chercher,
Leur sourire s’entendre et leurs mains s’approcher.
À quels tourmens affreux mon âme fut en proie[1] …
Tourments affreux, âme en proie ! Oh ! qu’il sent bien qu’il y a autre chose dans l’original et que cette autre chose le ravit et l’échauffé ! Et comme cela est plus près de lui, plus accessible à son impétueux talent, que la violence de Shakespeare dont les plus subtils et secrets mobiles préparent les éclats ! C’est le drame shakespearien transcrit, à la portée de ses intellectuelles convoitises. Dumas eût pu dire de Schiller : « C’est mon auteur ».
Il lui emprunte d’abord cet infernal cliquetis de style, tout cet attirail d’exclamations d’une fatalité atroce, et qui nous égaye à présent. Shakespeare en usait beaucoup moins que Schiller ; Dumas se tient entre les deux. Cela fait partie du vocabulaire galant. Enfer ! Malédiction ! Damnation ! Ruse infâme ! Blasphème ! J’ai fait un serment terrible ! Infernale machination ! Casimir Delavigne lui-même essayera ces rugissements. « Moi, novice ! Damnation ! Mort et enfer[2] ! » Les admirateurs