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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/181

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L’ŒUVRE DRAMATIQUE.

ques[1], et moins de vigueur, d’invention et de sensibilité, il eût écrit plus de préfaces, mais il n’eût point créé le drame populaire. Plus de critique l’eût mis en garde contre les illusions des tréteaux et les mensonges de l’histoire ou de la vie qu’ils offrent aux yeux ; plus de culture littéraire l’eût détourné de la foule pour laquelle il était fait. On n’eût vu en lui ni les mêmes audaces ni pareilles aspirations. Il se fût défié de ses muscles, de sa fantaisie, de son pathétique fanfaron et de ses magnifiques enfantillages. Il est le type du dramatiste-né, qu’il se fait pourtant temps d’étudier au point de vue du drame. Laissant à d’autres le soin de prouver que l’art de Racine est supérieur et que Christine ne vaut Bajazet, ou d’étouffer en des formules scientifiques, philosophiques et d’acier cette œuvre d’imagination et de passion, tâchons de prendre ce praticien en son exacte mesure, et de fixer les démarches de cette force créatrice.

Il distingue à l’Exposition un bas-relief ; l’impression qu’il en retient est si vivante qu’elle se change en une idée de pièce. Pour maintenir sa fantaisie en cet heureux frémissement, il se rend à Fontainebleau ; la vue du décor vrai fera le reste et donnera le branle à la faculté inventive.

 
J’allai droit à Fontainebleau
Et me dis étranger, voulant voir le château.

Mon guide froidement me raconta le crime,
Le nom de l’assassin… celui de la victime ;…
Je vis la galerie aux Cerfs… le corridor,
Et le parquet, de sang humide et rouge encor[2].

  1. Dumas fils répétait volontiers, dans la conversation, que lui-même ne savait presque rien et avait fort peu lu, quand il débuta sur le théâtre. « J’allais de l’avant, disait-il, et fonçais sur les obstacles. »
  2. Christine, épilogue, sc. vi, p. 300.