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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/20

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

En cette figure disparue, et dont l’auréole va grandissant, se réfugient l’orgueil national et je ne sais quel fatalisme médiocre, qui est comme le ferment des enthousiasmes populaires. C’est l’époque des anecdotes héroïques et des estampes qui propagent dans toutes les chaumières de France le Petit Caporal, à la veille d’une victoire, montant la garde avec le fusil de la sentinelle endormie. Cette philosophie des petites causes et des grands effets est l’âme des légendes parce qu’elle est la foi des masses[1]. Et ainsi l’imagination des adolescents de 1820 semble un palais de Monte-Cristo, riche en souvenirs de tous pays, décoré d’images flam-

    t. II, p. 181. Cf. J.-J. Weiss, À propos de théâtre, ch. xx. Hugo, pp. 338-339. « En dehors de la politique bonapartiste militante, le napoléonisme est un état de l’imagination, un état d’esprit national et un état moral… Le napoléonisme a bouleversé et perverti l’âme individuelle, il a ébloui l’âme nationale… »

  1. Avant Scribe, Byron écrit dans la préface de Marino Faliero : « Il est inconcevable qu’un observateur des hommes, aussi profond que l’auteur de « Zeluco », soit surpris de ce fait historique. Il savait qu’un bassin d’eau répandu sur la robe de mistress Marsham priva le duc de Marlborough de son commandement, et amena la paix d’Utrecht ; que Louis XIV fut entraîné dans les guerres les plus terribles parce que son ministre fut piqué de le voir critiquer une fenêtre, et voulut lui donner d’autres occupations… », etc. Dans le Verre d’eau (I, iv). Scribe n’a fait que reprendre quelques exemples de Byron. Le vaudeville et le drame sont issus de cet état de l’imagination populaire. Cf. Byron, Don Juan, ch. xiv. C. « Mais de grandes choses naissent des petites… Vous ne devineriez jamais, je vous parie des millions, des milliards, — qu’une pareille passion naquit d’une innocente partie au billard. » Cf. Byron, Marino Faliero, IV, sc. ii, p. 404 : « Qui l’aurait cru ? Ah ! un moment plus tôt ! Ce moment eût changé la face des siècles ; celui-ci nous livre à l’Éternité. » Cf. Prosper Mérimée, les Espagnols, journée II, I. « C’est pourtant un poulet rôti qui m’a fait découvrir la cachette du général Pichegru… » Cf. Alfred de Musset, la Confession d’un enfant du siècle, ch. i, p. 85. « Ce que décident ici-bas les plus petites choses, ce que les objets et les circonstances en apparence les moins importants amènent de changements dans notre fortune, il n’y a pas, à mon sens, de plus profond abîme pour la pensée. »