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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/226

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

davantage la contrariété foncière qui sépare Charles VII, drame tragique, d’une tragédie.

Est-ce donc un drame médiocre ? Je ne dis pas cela ; mais une tragédie au-dessous du médiocre, assurément. À tout coup la formule classique y est faussée. C’est le développement hasardeux (comme dans Christine) de toutes les aubaines de l’imagination : descriptions, dissertations, parabases, morceaux de couleur ou de déclamation. Le comte fait la leçon à son roi, et lui reproche « la sueur du peuple »[1]. Il dit, il dit aussi, il dit encore ; il n’en finit pas de dire[2]. Ruy Blas n’a qu’à bien se tenir, s’il veut dire mieux et plus longuement.

Mais si, au lieu de comparer Dumas à Corneille, je m’avise de songer à la Pucelle d’Orléans de Schiller, alors son œuvre me paraît vivante, scénique, historique ; alors toutes les scènes, même les leçons d’histoire, même l’érudition de fraîche date, sont l’action même ou subordonnées à l’action. La crise est plus forte que le système. Dumas rattrape son talent. Il redevient lui-même ; il s’empare du public, et le porte à la force des bras. Il peint à larges traits le départ de la chasse ; la scène de bravoure est enlevée allègrement :

Montjoie et Saint-Denis ! Charles à la rescousse[3] !


À la fin de l’acte IV, il tend tous les ressorts de la machine.

Où vous retrouverai-je ? — Ici, ce soir. — Ce soir[4] !


Il exécute, haut la main, la presque unique scène de

  1. Charles VII, III, sc. iv, p. 280.
  2. Charles VII, pp. 280 et 281.
  3. Charles VII, IV, sc. iv, p. 292.
  4. Charles VII, IV, sc. vi, p. 301.