Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
ANTONY.

de ce fils espéré. Tous deux étaient ensemble en préparation. Le drame seul a vécu. Cette correspondance au jour le jour, et à la nuit, et à l’heure, fut probablement beaucoup plus considérable que ce que j’en ai eu par devers moi. Mais ce peu suffit à nous édifier. Une même lettre, commencée à huit heures du soir, est continuée à minuit, et achevée à deux heures du matin. Elles ne sont pas toujours datées du jour ni du mois ; de l’année, rarement ; les heures y sont scrupuleusement indiquées. Quelles heures ! Et quel homme ! Il écrit dans l’attente ; il écrit après l’entrevue ; c’est miracle s’il n’écrit pas pendant. Encore plus fou après qu’avant, — dans les premiers mois (fin 1827) au moins : car assez vite cette passion s’en va, « où s’en vont les vieilles lunes[1] ».

Un billet, rédigé dans les bureaux du duc d’Orléans, contient des vers. Chez les Dumas, le tempérament était volontiers poétique, pour la joie des sens.

Oh !… n’abrège jamais ces heures que j’envie ;
De me les accorder Dieu te fit le pouvoir,
T’entendre est mon bonheur et te voir est ma vie :
Laisse-moi t’entendre et te voir.
Pourquoi, lorsque l’amour a joint nos destinées,
Me dire, épouvantée à la fuite du temps :
« Nos instans de bonheur dévorent nos journées,
Nous ne vivons que des instans ? »
On dit que de douleurs toute joie est suivie,
Qu’un sourire souvent s’achève dans les pleurs ;
Mais nous, entre nos cœurs nous presserons la vie.
Pour en exprimer nos douleurs[2].


    Mélanie, chez qui il fréquentait dès la fin de mai 1830. Voir plus bas, p. 294, n. 4.
    Cf. Lettres inédites, « 12 octobre » (1830) : « Mais tout cela, quelque chose qui arrive, ne fait rien à Antony ; il faut qu’il vienne à bien, pauvre petit ».

  1. C’est le mot dont il se sert, quand il explique sous quelle inspiration il fit Antony. Mes mémoires, t. VIII, ch. cc, p. 117.
  2. Lettres inédites. Ces vers sont suivis de ces lignes :