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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/343

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ANTONY.

de Camps, au nom de la société, et presque de la vertu, perce le cœur d’Adèle et fait flèche de ses allusions perfides. On sait comme Antony ramasse le gant, brave l’opinion, et jette son déli enflammé au milieu de ces futures baronnes d’Ange. « Oui, je prendrais cette femme, innocente et pure entre toutes les femmes[1] »… Toutes les femmes du monde, cela s’entend. Et la scène est ainsi marquée d’une unité singulièrement forte. Au monde bravé de se venger.

Il n’y manque point ; jusqu’à la fin de l’acte le scandale s’abat sur Adèle, sans merci. Ni l’obstination de ces diablesses à la consoler, ni l’opiniâtreté de son amant à la compromettre, ne lui épargnent aucun affront. S’il n’avait pas de première inspiration trouvé l’unité de la crise, l’auteur n’avait pas davantage rencontré les traits précis, le vrai des mœurs mondaines, qui manquent souvent dans le manuscrit. « Ma réputation ! Jamais ! »[2] s’écriait Adèle après la duchesse de Guise. Lisez le texte imprimé : « Mais ma réputation, mon Dieu ! Marie, vous savez si jusqu’à présent elle était pure, si une voix dans le monde avait osé lui porter atteinte… » — « Eh bien, mais voilà justement ce qu’elles ne vous pardonneront pas[3], etc. » De même pour cette réplique que Dorval lançait, affolée : « Mais je ne lui ai rien fait, à cette femme ![4] » et le début de la scène finale d’Adèle et d’Antony : «  …Je vous l’avais bien dit, qu’on ne pouvait rien cacher à ce monde qui nous entoure de tous ses liens[5]… » — Tout le dialogue s’est éclairci et détaché en saillies, quand Dumas a vu ce qu’il pouvait et

  1. Antony, IV, sc. vi, p. 212.
  2. Manuscrit original, IV, p. 37.
  3. Antony, IV, sc. vii, p. 214.
  4. Antony, IV, sc. vii, p. 214. Cf. Mes mémoires, t. VIII, ch. cxcix, p. 112.
  5. Antony, IV, sc. viii, p. 215.