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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/352

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

celles qui l’ont suivie, et dont les pires seront sensuelles et froides, romanesques sans imagination, terribles ennuyées, dures à l’homme qui les détient.

Adèle ne s’ennuie pas. Elle a de l’imagination, mais juste assez pour embellir la fête des sens et accepter la vie. Moins isolée, et si elle n’avait affaire à un Antony, elle serait une bonne mère dans une existence familiale. Elle aime sa fille : elle s’efforce d’aimer son mari ; elle le respecte et l’estime au moins. Elle sait son devoir de femme, et ses devoirs de femme du monde, et, en leur nom, elle se condamne elle-même au cinquième acte. Un époux moins absent, plus délié, et qui aurait eu la main plus légère, en eût fait une épouse accomplie. Il la laisse seule, elle est faible ; elle est une victime de sa chair et des salons. Moins chien battu, moins concentrée et puritaine que Kitty Bell, elle est infiniment plus femme, de son milieu et de son temps.

Désormais, c’est la question de l’adultère qui se pose avec fracas, dans le décor approprié. Antony n’est pas le dernier acte d’une tragédie qui ne finit point[1] ; mais le premier acte d’un drame qui commence. Dumas qui, comme tous les romantiques, n’en a qu’une obscure conscience, n’a pas tout dit dans sa pièce. Mais les Lettres à Mélanie nous permettent de supposer[2], on s’en souvient, qu’Adèle a pu donner un enfant à Antony, et que cet enfant fut une fille. Cette fille, née d’une baronne, deviendra comtesse de Lys, et, issue d’un bâtard, sera baronne d’Ange ou princesse de Bagdad. C’est l’origine d’une redoutable lignée. Adèle ne laissait pas d’estimer son mari. Mais prenez garde que ce siècle débute, et que les romantiques, chantres bourgeois qui divinisent la femme bourgeoise, n’ont pas

  1. Voir Maurice Souriau, op. cit., p. 136.
  2. Voir plus haut, p. 288, n. 2.