Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
369
LES SUITES D’« ANTONY».

vibrion qui s’envole, comme dit Rémonin. « Adjugé[1] ! » murmure le père Vaillant. Nous ne sommes pas encore à une époque de pure dialectique : c’est le faible qui supprime le fort. À cette réserve près, le drame est rectiligne. Dumas, sans y tâcher, manœuvre en plein réalisme.

Il s’en doute. Car déjà, lui aussi, aux passages scabreux, il est plein d’esprit. Il joue de cette verve lucide, qui fera passer plus tard les scènes épineuses de l’Ami des femmes, de la Princesse Georges, et de Francillon. À part l’acte III d’Antony, je ne pense pas qu’on ait sur le théâtre français osé rien de plus hardi que la fin de l’acte I d’Angèle, — si ce n’est pourtant le début du II. Il s’agit, pour forcer le mariage, de déniaiser la jeune fille ; et haut la main, si je puis ainsi dire. Oh ! ces travaux d’approche, ces frôlements, ces frissons, et les frayeurs de la vieille tante, et la lampe renversée ! Et ce talent d’atteindre le but tandis qu’on semble s’égayer alentour ! « Bonsoir, ma tante ![2] » Le premier acte finit. — « Bonjour, ma mère. » Le second acte commence ; il faut étudier le détail du dialogue et des attitudes d’Alvimar et d’Angèle[3], pour juger, non pas tant de l’esprit de Dumas que de son art dans la pratique du réalisme. C’est un prestige que Dumas fils ne négligera point, toutes les fois qu’il mettra en scène les Angèle et les d’Alvimar, les Denise et les Alphonse.

Alfred a d’Antony et de Richard la vigueur et l’ambition. De l’imagination, de moins en moins. Il s’est fait de la romance un moyen, et non plus une manière. Il n’a pas de génie, mais il est déjà très intelligent. Moins fougueux que Richard, il est plus subtil ; plus de sang-froid, sans entêtement. « Il excelle à changer à

  1. La Lutte pour la vie, V, sc. viii, p. 132.
  2. Angéle, I, sc. xiii, p. 131.
  3. Angéle, II, sc. ii, p. 135.