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DUMAS PÈRE ET DUMAS FILS.

un peu aussi, malgré la rigueur de l’observation, de mélodrame. Où est le mal que le mélodrame s’anoblisse en servant les idées ? Ces rôles-là sont cliez le vieux Dumas ; qu’ils s’appellent Tompson, ou Catherine Howard, Alfred d’Alvimar ou Fritz Sturler, j’ai dit qu’ils procèdent en partie de Fiesque et des Brigands. Le sexe ne fait rien à l’affaire. Cantagnac, espion anonyme et sceptique, est un vrai traître énigmatique et ténébreux, et dramatique à souhait. Cantagnac apparaissant à la fenêtre du jardin pour recevoir les papiers de Claude enlevés de force par une femme scélérate, Dumas père n’avait pas trouvé mieux. Et quelle femme ! La Bête de l’Apocalypse[1] ! Entendez une « créature d’enfer »[2], un Richard, un Alfred, un Sturler femelle, avec même résolution, même sang-froid, même adresse dans l’art de séduire, même rapidité dans l’exécution, même charme de la voix et pareille fascination des yeux. « Tout ce que vous voudrez avec cette voix-là »[3], dit à Césarine le pauvre Antonin sur qui le charme opère. « Étrange phénomène dramatique[4] ! » écrivait J. Janin de Catherine Howard. Césarine aussi tient de l’étrange et du phénomène ; nous sommes dans le vrai de la fatalité du drame moderne. Et certes, il faut reconnaître que ces personnages ne s’en tiennent plus guère aux limites de l’humaine médiocrité recommandée par Aristote. Corneille les eût loués.

À propos de Monsieur Alphonse, dont nous avons noté les rapports avec Angèle, il ne serait pas malaisé de relever ce contraste dramatique de l’idéalisme, qui est le but, et de la passion sensuelle ou brutale, qui

  1. Préface de la Femme de Claude, p. 189.
  2. La Femme de Claude, II, sc. ii, p. 287.
  3. La Femme de Claude, II, sc. i, p. 272.
  4. Journal des Débats, 5 juin 1834.