Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
420
LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

qui tracent dans l’air un moulinet de parade. Même apaisé, le Dumas qui a lu, aura de la peine à se désaccoutumer des grands mots d’Antony, qui firent explosion sur le public de 1830.

Reste l’autre Dumas, doué du tempérament et du style même du drame. Il crée, il donne la vie : mystère à peu près autant inexplicable en matière de langage que de physiologie. Il la répand à profusion, à travers le dialogue, à un point qui ne s’exprime ni ne s’analyse. Cette faculté se reconnaît premièrement à la couleur locale, si l’on veut, pittoresque peut-être, descriptive jamais, dramatique assurément et continuellement, juste dans l’exacte proportion et perspective de la scène. Il ne pignoche point ; il brosse à larges touches. Il accuse des reliefs, il appuie sur les contours. C’est du toc ! — Examiné de près et à la loupe, c’est du toc. Et voilà pourquoi c’est du théâtre : peinture à la grosse, et pour être vue à distance, aux chandelles. Prenez garde qu’il faut un instinct très clairvoyant et un talent au-dessus de la distinction, j’allais dire : au-dessus du talent littéraire, pour y réussir. J. Janin, styliste élégant et prolixe, ayant écrit la tirade des grandes dames de la Tour de Nesle, se reposa. Ne méprisons donc pas trop ce talent ; mais plutôt souvenons-nous que de ces tons flamboyants est né le réalisme démonstratif du drame moderne et qu’à la cour d’Henri III a succédé le salon de la vicomtesse, c’est-à-dire la mise en scène des milieux[1].

Ce style est vraiment une force, « une force qui va[2] ». Ce mot, que Hernani s’applique à faux, définit exactement les qualités et limites de Dumas écrivain dramatique. Il est riche de mouvements variés et expressifs,

  1. Voir plus haut, p. 284.
  2. Hernani, III, sc. iv, p. 77.