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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/82

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

qui s’attache aux vieilles mœurs, aux menues conditions, aux laboureurs, chasseurs, lairds, — ou forestiers et braconniers : réalisme de clocher, qui venait en son temps. On a noté, avec raison, que Quentin Durward, à qui s’ouvrent les plus hautes destinées, est un jeune cadet d’Écosse, qui vient chercher fortune en France, et que les héroïnes sont dignes de ces chevaliers nés dans les fermes des environs d’Abbotsford. Ces guerriers qui s’escriment, au retour de la Palestine, sont fils de bourgeois écossais ; ils ont des physionomies du terroir. Ils ne dédaignent point les auberges ni les gens de peu, que le romancier croque avec une malicieuse bonhomie. Dumas a pu encore puiser là cette inclination à mettre souvent en scène de bons types de son pays natal ou des compagnons de sa jeunesse. Burat, l’employé, les gardes [1], les saltimbanques, et jusqu’au souffleur de M. Kean, tout un personnel d’humble existence circule sur la scène, dessiné avec sympathie. C’est peut-être le vrai des romans de Scott. Et ce serait le modèle du théâtre vrai, que cherche souvent Dumas, n’était que Scott, peintre de chevaliers ou de porchers, d’Ivanhoe ou de Gurth, dessine sans flamme et ne touche point la passion. Pour cet appétit pantagruélique de Dumas il faut autre chose ; pour ce tempérament dramatique il fait froid là dedans. Il est homme à y suppléer. « Admirable, dit-il, dans la peinture des mœurs, des costumes et des caractères, W. Scott est complètement inhabile à peindre des passions[2]. » À cela près qu’il semble confondre les costumes avec les caractères, il ne nous égare point. Walter Scott a éclairé son imagination, et l’a guidée vers les sujets historiques ; il lui a servi à la fois de

  1. Le Chevalier d’Harmental ; les Forestiers.
  2. Mes mémoires, t. X, ch. xcliii, p. 137.