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ÉMILE AUGIER

pas habillés de la sainte mousseline ; mais il les a doués de raison et de sensibilité point du tout lyriques, fatales, ni analystes, et de cette fraîcheur de toute l’âme qui se conserve au sein de la femme par les souvenirs d’enfance que l’homme ne gâche pas, et la pratique des devoirs domestiques. Et je veux croire qu’Émile Augier les a peintes comme elles devraient être, et M. Alexandre Dumas telles qu’elles sont.

Les jeunes filles sont précisément les cadettes de leurs aînées. L’écrivain montre les qualités de leur cœur, plutôt qu’il n’en analyse le mystère.

Une seule fois, il s’est ingénié à deviner l’énigme, à lire le secret de ces fronts candides ou attristés, à noter le menu travail psychologique de la genèse d’amour. Et il a caressé ce joli pastel de Philiberte. Laide ou belle ? Qui le sait ? Ce n’est pas elle d’abord, l’enfant craintive et défiante, avec sa timidité de pauvre chien battu, qui prend tout de travers les hommages qu’on lui rend. Puis, la femme perce cette enveloppe un peu gauche, écoute les compliments de toute l’avidité de son innocence sauvageonne, et elle est heureuse, et elle est nerveuse, et elle est méconnue de celui qu’elle a rebuté tout à l’heure par une soupçonneuse modestie. Mais enfin les déclarations qu’elle entend lui sont des révélations ; elle sait ; elle croit ; elle s’épanouit.

Elle est charmante ! Elle est charmante ! Elle est charmante !


Comme à son autre sœur, Agnès, l’esprit lui est venu avec l’amour : et la grâce a suivi l’un et l’autre. Mais de l’amour Molière, comme tous les grands classiques[1], n’étudie que les symptômes extérieurs et les effets ; tandis qu’Émile Augier en suit curieusement

  1. Il faut excepter La Bruyère, qui dans le conte tout psychologique d’Émire (fin du chapitre des Femmes) suit et résume la tradition du roman. Cf. La Princesse de Clèves.