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LE THÉATRE D’HIER.

que le plus étroit préjugé. — Hypocrisie ! Bourgeoisisme ! Vous l’avez parlé, ce langage, vous les avez ressenties, ces passions populacières, vous qui vous scandalisez en public, et ne consentez pas à vous connaître. — Mais quand je marcherais à quatre pattes, de quel droit m’imposer au théâtre, où je vais pour mon agrément, les saillies d’une verve grossière et les hallucinations de la crapule que je ne puis souffrir ? Je vais voir votre petite drôlerie avec ma famille, mes amis et moi-même. De quel droit nous faire croire que l’ordure nous réjouit ? Pour nous instruire ? L’instruction obligatoire ? Mais elle s’offre gratuitement sur le boulevard, où je cueille, sans bourse délier, des mots qui ont sur les vôtres l’avantage de n’être ni prétentieux ni travaillés. Si tout l’effort de ce réalisme tend à m’édifier sur les splendeurs du ruisseau, serviteur, vos places sont trop chères. Je cours chez Pezon voir des brutes, à peu près dressées, et qui ne parlent point.

Ce réalisme est duperie, parce qu’il est en lutte, je ne dis pas avec la morale, mais avec l’homme même. Molière le savait bien, qui cachait Orgon sous la table ; il savait que l’homme est un animal sociable, c’est-à-dire, je pense, très différent en société de ce qu’il est dans le tête-à-tête, et, s’il vous plait, plus honnête sous le lustre et à la clarté des chandelles. Et M. Dumas aussi en est convaincu. Oh ! qu’il en est convaincu, M. Dumas, et que toute son œuvre pourrait servir d’exemple aux bruyants adeptes d’une brutalité commode et juvénile !

Personne n’a été plus audacieux ; mais personne n’a eu d’audaces plus concertées, avec plus de respect pour le public et une notion plus exacte de ce que le théâtre tolère. Il a atteint, comblé la mesure ; jamais il ne l’a dépassée. Et personne n’a mieux défini les limites exactes du réalisme hardi sans cynisme, et non jusqu’au défi.

« Aristophane et Shakespeare ont poussé la vérité du langage dans de