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LE THÉATRE D’HIER.

chambres d’hôtel, avec, au bout, la haine de la femme et le mépris de l’homme pour conclusion, et la passion la plus brutale qui se puisse déclarer à une amante abandonnée, en guise de moralité, et par-dessus le marché du reste. « Ah ! que c’est ennuyeux ! » soupire Mme Leverdet. « C’est écœurant ! Pouah ! » murmure Lydie, en agitant son mouchoir, pour chasser le mauvais air. Pauvres femmes, qui n’avez point compris, ou qui ne comprendrez peut-être jamais (il est vrai que vous avez une excuse, qui est que personne encore n’avait eu le courage de vous le dire), que vous êtes femmes, souveraines et idéales par le désir que vous inspirez à cet amant édifiant et consolateur, mais que le premier rapprochement marque votre défaite, et que ce sera toujours une chute, l’être de raison devenant du même coup « disponible et instrumentaire ». Vestales avant, et le plus souvent incapables de repentir vrai et d’humilité rédemptrice, Bacchantes après.

La Bacchante est un second type, que M. Dumas a marqué de traits brûlants, au fer rouge, avec effroi et colère. Elle est la femme animal, l’instinct déchaîné, l’idole charmeuse et scélérate, d’une volonté opiniâtre et mortelle, le sourire aux lèvres. Bacchante vraiment, mais non pas celle que la plaisante imagination des Grecs aimait à représenter, le thyrse en main, les cheveux épars, au son des flûtes et des cymbales parcourant les montagnes de Thessalie, affolée, enivrée de plaisir, évohé, enragée de mouvement et de tapage, évohé, tant qu’enfin au hasard de la déroute, au détour du sentier odoriférant, pâmée, épuisée, demi-morte, elle s’abandonnait avec un éclat de rire aux rudes baisers des dieux sylvestres, des satyres velus, dans un suprême ravissement. Bacchante moderne, avisée, froide et calme, qui, parmi la fête, songe que les hommes sont faits pour « son plaisir, sa garantie ou son rachat », et que la toute-puissance poétique de la femme,