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ALEXANDRE DUMAS FILS.

ce qui subsiste. Cela vous a dans le privé des allures de tyranneau, et cela ne sait même plus se battre correctement ; cela se ruine avec entrain, mais, à bout de ressources, cela négocie son titre par l’intermédiaire de la colonie américaine, en attendant Tricoche ou Cacolet. On fait sauter la banque, mais, dans les mauvaises passes, on lorgne la cagnotte. Du gentilhomme il ne reste que la coupe du visage et de l’habit. Au demeurant, égoïsme prétentieux, odieux et sans aveu, gangrené jusqu’aux moelles, et heureusement incapable de faire souche. Cet amour de soi exaspéré jusqu’au mépris des plus élémentaires devoirs met en son jour la vaillance perspicace de M. Dumas, et marque nettement la différence qui le distingue d’Émile Augier, moins implacable, et de M. Pailleron, plus indulgent et doux.

Fini aussi de célébrer la passion aveugle, exaltée, mystique, ou fatale, qui recèle désormais un égoïsme d’une âpreté assez neuve, fait de convoitises, de désirs, de curiosité, d’indépendance ou d’ambition. Le respect est dans les paroles, qui sont devenues des formules ; mais le plus souvent il y a un cœur à divertir ou un tempérament à satisfaire, à moins que ce ne soit la vie à édifier, étayer sur une fortune toute prête. M. Dumas croit à l’amour ; nous avons vu combien il y croit, puisqu’il le veut éternel, au delà de la tombe. Il y croit, comme le panthéiste croit à Dieu. Mais il se défie des amants, de la passion libre, dégagée de l’estime, des devoirs et des responsabilités. Il se défie des « béliers qui vivent sur le pré communal », de régime, à leurs heures, rarement à leurs frais. Il n’a pas la moindre foi en ces enthousiasmes sanguins, en ces extases intéressées. Il est la hache des tirades flambantes, des prières mystiques, en l’absence du mari ou à l’écart des parents. C’est grande duperie que cette façon de mouvoir les lèvres, de frapper l’air et de produire des sons mélodieux. Musique de chambre, à l’usage des jeunes filles