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ALEXANDRE DUMAS FILS.

grandes crises, et que tous ceux qui croient en Dieu doivent ramener à lui, par les grands moyens qu’il nous a donnés lui-même, tous les malheureux qui siégèrent ? La colère, la vengeance ont fait leur temps. Le pardon et la pitié doivent se mettre à l’œuvre… »


Spectateur, mon ami, notre voisin, je crains que vous ne vous soyez fourvoyé : vous êtes entré, par mégarde, au Théâtre du Salut, et vous êtes en passe d’entendre la messe, vêpres et complies. Et, en effet, voici que le fils monte en chaire à son tour, que pour nos péchés il nous faut l’écouter aussi. Le temps passe, il est onze heures ; je n’ai jamais ouï prêcher ni si longuement, ni si tard. Je cède alors, selon le mot d’un moraliste plus court, incapable de souffrir davantage ces prêcheurs et ceux qui les souffrent[1].

La pensée de M. Alexandre Dumas ne s’est pas arrêtée là. Il a rêvé un Idéal encore supérieur, et tellement mystique, que l’expression dramatique étant impuissante, il a tenté, lui, le dramaturge excellent, de mettre en scène une œuvre symbolique. La Femme de Claude est une œuvre symbolique. Elle a paru devant la rampe, aux chandelles. Et ni l’observateur qui avait percé à jour cette créature d’hier perverse et scélérate, ni l’écrivain théâtral qui lui avait su donner un étonnant relief n’ont dit au penseur : « Tu n’iras pas plus loin. » Ni l’un n’a interposé sa connaissance du théâtre et du public, ni l’autre son sens pénétrant de la vérité scénique pour l’arrêter en cette voie périlleuse, et lui objecter ce précepte de M. Dumas lui-même : « La scène n’est pas le livre. » (Le livre peut dire par périphrases et paraboles ce que le théâtre doit dire clairement et brièvement ; le livre peut se répandre en mystiques rêveries jusqu’aux raffinements du quiétisme ; la scène est condamnée à la clarté et à la raison, et à la poésie sereine, mais saine.) — Peut-être eussent-ils réussi à sacrifier de cette pièce ce qui n’en est

  1. La Bruyère.