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ÉDOUARD PAILLERON.

ans, Arnolphe les a deux fois, et prend sa revanche.

Vous rappelez-vous, lorsque parut la Souris, les rudes critiques dont fut persécuté le beau Max, l’irrésistible marquis, le galant charmeur ? Il eut d’emblée contre lui les jeunes gens, qui se sentaient atteints, les hommes mûrs, qui n’étaient point flattés de la comparaison, et enfin les vieillards, qui se désolaient sans doute d’être hors de cause. J’imagine que l’auteur dut y être d’autant plus sensible, qu’il avait cette fois restreint le cadre avec le nombre de ses personnages, et délibérément isolé l’amour, afin de le peindre avec soin. Or, il faut en prendre son parti, et reconnaître avec humilité qu’il est par le monde des hommes faits d’un certain modèle, ornés d’une éducation déjà ancienne de plusieurs années, qui sont nés pour aimer et être aimés, sur qui l’âge à peine a quelque prise. Ils sont un petit groupe, tous les jours diminué, pour qui la vie commence avec l’amour et finit avec lui. Ils ont la foi, qui les préserve de vieillir. Leur existence est toute de frissons, de sourires, et de larmes. Autrefois, ils eussent été des paladins ; aujourd’hui ils sont des hommes galants, et cela est bien ainsi.

Max est le plus jeune de ces jeunes premiers. Encore qu’il touche à je ne sais quel âge, occupé qu’il fut à la passion, il n’a eu le loisir ni de lire Schopenhauer, ni même d’en entendre parler. De sa jeunesse mouvementée il a sauvé ses illusions et gardé son cœur entier. M. Pailleron nous le présente à l’heure indécise, où quelques pronostics, inaperçus de moins expérimentés, lui annoncent la retraite prochaine. Et, naturellement, il s’en désole, puisque le voilà inutile désormais. Faire Max élégant, séduisant était peu ; le trait d’esprit est de l’avoir fait timide : oui, timide à… quarante ans, comme on l’est à quinze, après une vie semée de conquêtes, remplie de souvenirs, illuminée de délices. Il ne croit plus en lui, mais il croit encore à l’amour, tout au contraire des jeunes gens de son monde, qui ne