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ÉDOUARD PAILLERON.

Nous sortirons plus tard ; d’ailleurs voici la pluie. »
Et moi, vous comprenez, Madame, ça m’ennuie ;
Il ne veut ni jouer ni sortir avec moi ;
Pourquoi, Madame, enfin, puisqu’il m’aime ?……


Laissez-la grandir quelques années ; la timidité s’ajoutera à cette multiple vivacité d’impressions ; la fillette deviendra jeune fille, et elle continuera d’être complexe en ses sentiments, expansive en ses paroles, et de passer d’une idée à une autre, sans effort, par un don de logique un peu détournée, qui échappe aux gens d’un certain âge. Mais le caractère est déjà noté ; le procédé, si procédé il y a, est ici en germe.

Ajoutez qu’elle sera rieuse ou songeuse, selon son humeur naturelle, ou suivant l’enfance qu’elle aura traversée. La rieuse, c’est Antoinette de l’Étincelle ; la songeuse, c’est la Souris ; Suzanne du Monde où l’on s’ennuie est la transition entre l’une et l’autre ; toutes ensemble rappellent les deux jolis pendants du peintre Joseph Coomans, qui d’un même modèle a tiré les deux types de la jeune fille moderne, le sphinx blanc et rose, et le grelot dans un lilas, comme dit poétiquement M. Pailleron. Qu’on me permette de laisser de côté Pépa[1], une jeune fille, qui l’est si peu, élevée dans un monde hybride, d’une éducation « panachée », presque chaste, et un peu, quoi qu’elle en pense, à son corps défendant, fille d’artiste enfin, c’est-à-dire presque un homme. La touche est plus légère dans le personnage de Suzanne, avec une nuance de réalisme plus avenant.

Toutes se ressemblent en un point, qui est la vivacité des impressions, la mobilité des sentiments, et une faculté toute féminine de brouiller et de démêler les nombreux fils de leurs pensées avec une aisance incomparable. Napoléon disait que l’esprit humain est incapable de suivre plus de trois idées à la fois. Il se trom-

  1. La Souris.