Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
323
MEILHAC ET HALÉVY.

II

L’OPÉRETTE. — La Belle Hélène.


L’opérette de MM. Meilhac et Halévy n’est ni un diminutif de l’opéra, ni une charge de la tragédie, ni une parodie de l’épopée, ni une caricature de l’histoire ; elle n’est ni ceci, ni cela : c’est une transposition d’art. Elle s’élève donc fort au-dessus de presque toutes les imitations qui en ont été faites, où le musicien, toujours envahissant, réduit le livret à n’être guère qu’un ramas de pauvretés.

MM. Meilhac et Halévy ne délayent pas un fait-divers ou une nouvelle à la main. Oh ! non. Pareils en leurs hautes conceptions aux plus grands d’entre les anciens, ils puisent en pleine légende, légende de la guerre de Troie ou des contes de Perrault, légende des cours d’Allemagne, des placers du Pérou, des magnificences de la vie parisienne. Mais ils sont de leur siècle scientifique par la profondeur du doute, dont ils réduisent la légende aux proportions de la commune vérité, et de leur époque dilettante par la qualité du plaisir intellectuel qu’ils y apportent ou qu’ils y trouvent. Point de grand homme, de héros, ni de prince au regard de leur claire observation ; mais partout des « messieurs » et des « petites femmes du monde », qui de toute éternité ont manœuvré sur l’asphalte, depuis le temple de Calchas jusqu’au Café Riche, et du Café Riche jusqu’au temple de Calchas. Ainsi l’art s’emploie à resserrer sur le boulevard la chaîne des peuples… « Je suis étranger ; vous l’êtes aussi ; oserais-je, en qualité de compatriote ?… » à renouer la tradition de l’humanité continue, à faire paraître, avec la complicité guillerette de la musique, la genèse du baccarat qui re-