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VICTORIEN SARDOU.

œuvre, étant l’essentielle matière du genre de littérature qu’il a préféré. Les opinions varient sur les temps que l’auteur a traversés, le second Empire et la troisième République ; mais il n’est pas un moraliste qui ose les taxer de banalité, ou qui n’y ait découvert des modifications importantes de l’art d’aimer. L’idée de progrès, la Révolution, le positivisme, le matérialisme, la question d’argent ont exercé des influences immédiates et diverses sur la passion, le mariage, le libertinage ; et profonds en ont été les retentissements dans la vie moderne, où notre société continue à évoluer.

L’amour étant éternel, M. Sardou fit apparemment cette réflexion que le plus sage était de n’y rien changer. Il n’y touche qu’avec infiniment de scrupules ; il n’y regarde pas de trop près, avec mille précautions. Il n’est ni indiscret ni même curieux sur ce point. Il tient la passion pour un sentiment primordial, qui éclate au hasard, et dont on meurt généralement, à moins de se marier et d’avoir quelques enfants. Tout ce qui n’est pas cela n’est qu’ennui, qui trouble à peine la tranquillité du cœur, — mais qui accélère le mouvement de la scène. C’est encore une fièvre de quelques heures, qui inquiète, sans l’altérer, l’honnête sérénité des femmes et fripe légèrement la « sainte mousseline » de leur âme. « Triste folle que tu es ! Tu étais heureuse, tranquille, adorée !… Il te fallait donc des terreurs et des remords !… Eh bien ! en voilà !… Mon Dieu, mon Dieu, que j’ai peur !… Il y a bien dans les Ganaches une petite fille qui en fait une maladie : mais ces petites filles sont si fragiles ! Et celle-ci est si vite remise qu’elle sera épousée demain. — Et voilà un dénomment. Parfois le ton s’élève, la passion bouillonne ; Clotilde se venge odieusement d’avoir été abandonnée par celui qu’elle aimait, et jette l’ingrat aux bras d’une fille perdue[1]. Mais ceci, c’est la haine, — d’où M. Sardou s’entend à

  1. Fernande