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XXIX
POSITIVISME ET RÉALISME.

œuvre souleva au milieu du camp romantique. On y était sans doute moins choqué du « luxe d’un garçon » ou du « machin au fromage » que de cette entrée en scène d’une imagination moins intrépide, d’une observation plus proche des faits, d’une émotion plus directe et intime. Toutes les pièces qu’Emile Augier a consacrées à la défense et illustration de la famille sont autant de fenêtres ouvertes sur les réalités de la vie domestique. Je ne parle pas du Mariage d’Olimpe, drame discutable, et qui n’est pas d’ensemble. Mais de Gabrielle à Seraphine Pommeau le progrès est manifeste d’un réalisme envahissant et mesuré. De ce progrès J.-J. Weiss, classique et délicat, était tout chagrin, et même un peu plus contristé que de raison. Emile Augier avait un génie trop bourgeois (j’emploie le mot en son sens élogieux et vrai), trop amant du goût, de la sobriété, et surtout de l’équilibre moral, pour renoncer de parti pris aux douceurs d’une poésie familière et donner avec suite en des excès fâcheux et encore injustifiables. Il a fait au réalisme sa part, et lui a dit : tu n’iras pas plus loin.

La magistrale harmonie de son œuvre n’est qu’un équitable partage entre les séductions d’un idéal très accessible et la juste intelligence des mœurs et des vices qui le menacent. Il n’y a aucune candeur ni dans son optimisme ni dans son réalisme : il est poète comme il est observateur, avec sagacité et conviction. Il a la ferme croyance en un bonheur àmi-chemin des félicités du rêve, que chacun peut atteindre par delà les vilenies