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LE THÉÂTRE D’HIER.

d’autant plus légitime que M. Sardou l’a rendue nécessaire. Depuis plusieurs années, il n’imprime plus ses œuvres, jaloux de sauvegarder, les uns disent sa propriété, d’autres sa réputation littéraire.


VI

L’ÉCRIVAIN ET L’ART DRAMATIQUE.


Pour certaines renommées, l’impression est l’écueil. Assurément, une pièce de théâtre est d abord et surtout écrite pour la représentation. Mais elle n’est œuvre d’art dramatique qu’à la condition de supporter l’examen loyal et d’appeler l’admiration réfléchie de la lecture. La gloire est à ce prix. Après que l’illusion s’est envolée, que la voix de l’interprète s’est éteinte, et que le silence s’est fait sur la scène, alors la lettre moulée, d’une précision implacable, remet toute chose en sa place, fixe la matière de l’œuvre, en arrête les contours, écarte la tromperie des yeux et les surprises des sens, expose à nu le talent, la conscience et les procédés de l’écrivain. Car le style du théâtre a cela pour lui, qu’affranchi, par le voisinage de la réalité et la fiction de la vie, de la plupart des contraintes qui pèsent sur les autres genres littéraires, il est aussi plus transparent, et irrécusable en ses indices.

L’écriture de M. Sardou a une qualité dont on est d’abord frappé : c’est l’esprit, qui est étourdissant. Étourdissant ; je ne dis pas toujours naturel et mesuré. Étourdissant, mais sans rebuter les mots d’auteur, ni se défier des fautes de goût. M. Sardou a beaucoup d’esprit, et il en fait. Et comme il arrive à tous ceux qui font de l’esprit, il n’est pas suffisamment armé contre sa verve. La vraisemblance en souffre quelquefois.