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HENRY BECQUE.

seulement. Cette imagination, sur le théâtre, n’est que la logique immanente des choses, qu’encore faut-il dégager aux yeux du spectateur, si vous voulez qu’il s’accoutume à un réalisme sincère, profond et rationnel, au lieu de répugner à une observation âpre, capricieuse, et brutale. Elle est, au besoin, le sauf-conduit de la réalité la plus amère, parce qu’elle en est la vraisemblance et l’intelligence intérieure. Et, de plus, elle est composition et clarté.

M. Becque, qui se passe de l’imagination, se passe aussi de la composition. Il procède par bonds. Il ramasse tout l’effet sur quelques scènes, dont les dernières sont des redites plus osées de la première. Il a d’étonnantes aubaines, et des répétitions désespérantes. Il juxtapose en un même acte les développements les plus disparates, et, comme il serait plus pénible de les réunir, il les divise en tableaux, comme dans le drame, si puissant d’ailleurs, qui a nom Michel Pauper.

Ce gredin de la Roseraye accapare d’abord toute la scène ; et puis, il se tue, serviteur. Sa fille, qui à peine a laissé voir la couleur de ses cheveux au premier tableau, occupe presque tout le théâtre dans les autres. Le baron est intermittent, et madame de la Roseraye circule par-ci par-là. Le comte de Rivailles ne parait pas au début ; il est vrai que nous le verrons beaucoup par la suite, et qu’il disparaîtra, à l’anglaise, comme il est venu. Les crises les plus violentes éclatent tout à coup, et nous en recauserons plus tard, à moins qu’on ne nous en parle plus. On s’aime, on se quitte, on se reprend, la femme revient, le mari meurt : tout cela est limpide. Il y a là quelques belles scènes, d’une vérité qui nous ravit, et l’on retombe dans l’inconnu ; on passe au tableau suivant. Et comme il faut à ces grandes scènes l’apparence d’un prétexte, les péripéties les plus inattendues éclatent comme des explosifs. Un suicide,