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LE THÉATRE D’HIER.

Émile Augier s’en est inspiré, sans s’y asservir. Il y a su ajouter, après Beaumarchais et Scribe, plus d’ingéniosité dans l’invention, plus de simplicité dans les combinaisons et les situations, sans méconnaître le réalisme moderne, sans renoncer à la sobriété classique ; et il parait bien, en dernière analyse, que son art consiste à maintenir toutes les ressources de son génie sur le pied d’une composition loyale et harmonieuse. C’est sa formule.


iv

LE MARIAGE ET LE MÉNAGE.


Le plus heureux privilège du génie est d’apparaître à point nommé.’Tels ces invités de marque, qui ne font leur entrée dans un salon qu’après que la compagnie est au complet, et lorsqu’ils ne risquent plus de se gaspiller. Scribe venait de perfectionner le métier dramatique, et de mettre enfin sur pied la comédie de mœurs ; et la société française offrait une matière nouvelle à l’observateur, quand Émile Augier vint. L’heure était on ne peut plus favorable. Un esprit libéral et maître de soi, armé d’un sens droit et intrépide, pouvait réaliser pleinement sur le théâtre la réforme, à laquelle aspiraient confusément les indépendants du xviiie siècle, et dont Diderot, cet éventeur de voies et ce brasseur d’idées, avait ébauché la théorie incomplète et prématurée. Le Père de Famille est une pièce médiocre pour plusieurs raisons, qui tiennent au tour de tête de l’auteur, mais pour une autre aussi, dont il n’est nullement responsable. Ni la comédie de mœurs ni la comédie sociale n’étaient viables alors. Il imaginait, rebuté par les artifices de certains continuateurs de Molière de renouveler la formule et de substituer la peinture des conditions à celle des caractères. C’était