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Page:Paris, Gaston - Le roman du comte de Toulouse.djvu/32

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G. PARIS


    d’événements miraculeux. C’est bien là un thème de folklore, et en effet nous le retrouvons en Orient, et il a très probablement une origine asiatique. Le cycle Octavien-Sebile-Olive-Triamour-Sisibe-Geneviève (voy. ci-dessus, p. 12, n. 1) est également très distinct du nôtre : il ne contient pas le combat judiciaire (celui qui figure dans Sebile entre le traître et un chien est étranger au récit même), et l’héroïne, comme dans le cycle Crescentia, est réellement bannie (étant, d’ordinaire, enceinte ou déjà mère) ou subit un long et cruel supplice ; ce cycle, qui touche d’un côté au précédent, de l’autre à celui de la Manekine (voy. Suchier, Œuvres poétiques de Philippe de Beaumanoir, t. I, pp. xxiiixcvi) et aussi à celui des Enfants-Cygnes (voy. Romania, t. XIX, p. 315), appartient réellement au folklore. Le fait que les deux cycles de Crescentia et d’Octavien sont étrangers à notre thème n’empêche pas, naturellement, qu’ils ne puissent l’avoir influencé dans tel ou tel de ses développements.

    Le trait essentiel, le centre même de notre thème, c’est le combat judiciaire, et ce trait en fait une production nécessairement médiévale. Une fois qu’on l’a ainsi circonscrit et défini, on constate avec surprise qu’il ne comprend au fond que trois membres : l’histoire de Gundeberge, le roman du Comte de Toulouse et la légende de Gunhild, car les ballades anglaises et scandinaves étudiées par Child (Sir Aldingar) et Grundtvig (Ravengaard og Memering) se rattachent avec évidence à la légende de Gunhild et proviennent certainement de la même source. Nous avons donc à nous demander quel est le rapport de ces trois versions, et si l’on peut trouver un fondement historique à l’une d’elles, ou à deux d’entre elles, ou à toutes trois.

    J’ai déjà dit que le raisonnement de M. Rajna sur l’histoire de Gundeberge me paraissait inattaquable. Écrite une trentaine d’années au plus après les faits qu’elle relate, cette histoire contient certainement une grande part de réalité. Il est possible cependant que le récit de Frédégaire, transmis oralement de Langobardie en France, ait subi l’influence de quelque poème antérieur, langobard ou franc, où le thème de la souveraine injustement accusée et délivrée par un combat judiciaire était déjà traité. Ce qui le fait croire, c’est surtout le fait que les noms donnés respectivement par Frédégaire et par Paul Diacre au libérateur de Gundeberge, Pitto et Carellus, semblent également être des sobriquets et indiquer un homme de petite taille, opposé sans doute à un adversaire de stature colossale. Or, c’est là un trait tout poétique, qui appartient à l’épopée de tous les pays et apparaît déjà dans le combat singulier de David contre Goliath. Quoi qu’il en soit, il est clair que l’histoire de Gundeberge doit être mise à la base d’une étude comparative de nos trois versions. Elle se rapporte à des événements réels du viie siècle, et elle est racontée par un contemporain, puis, indépendamment, par un auteur de la fin du viiie siècle, duquel il y a de fortes raisons de croire qu’il l’a puisée dans un poème. Au viiie siècle donc, tout au moins, il existait un poème, probablement germanique, racontant l’aventure de Gundeberge, reine des Langobards, et le combat judiciaire par lequel le petit Pitto ou