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en attendant que le Maître ou directeur du jeu les rappelât. Tous ces étages seraient restés constamment ouverts (comme une haute maison dont on aurait abattu les parois extérieures), afin d’y laisser pénétrer l’œil du spectateur ; jamais une toile plus ou moins grande ne se serait baissée entre le public et les acteurs.

Cette explication de l’ancien théâtre chrétien est ingénieuse, puisqu’elle a séduit tous les critiques précédents d’abord les frères Parfait, auxquels on en doit la théorie, fondée sur quelques anciens textes mal entendus, puis le duc de la Vallière, puis, de notre temps, Berryat, Saint-Prix, Émile Morice, et d’autres critiques encore. Cependant, on dirait que ni les auteurs de cette théorie, ni ceux qui l’ont ensuite adoptée, n’avaient un seul des jeux dramatiques pour lesquels la théorie avait été faite.

Car enfin, dans ces ouvrages, la plus grande partie de l’action se passe en dehors des demeures ou mansions. Avant d’entrer dans un logis, dans un jardin, dans un temple, les personnages marchent, parlent et agissent. Il y a même plus, ils ne se tiennent dans l’intérieur de la demeure que pour les cas obligés, comme la sainte Vierge dans son oratoire au moment de la salutation angélique ; Jésus-Christ dans le Temple, quand il discute avec les docteurs, et saint Pierre dans l’antichambre de Caïphe ou Pilate, quand il renie son maître. Mais devant la Crèche sont tous les bergers, devant le Temple sont les marchands, devant la maison de Pilate est le Prétoire, qui n’en était séparé, dit le livre, que de quelques pas et qui était fermé de barrières. Entre le Prétoire et la maison était encore le poteau où Jésus devait être attaché. Quand les tyrans, rassemblés devant la maison de Caïphe, suivent Judas qui les conduit d’abord chez la vieille Hedroit pour y prendre des lanternes, puis dans le jardin des Oliviers où Jésus prie, à quelque distance de ses disciples ; — quand Jésus se transfigure ; — quand il enseigne et nourrit la foule sur d’autres montagnes ; — quand il frappe de sécheresse le figuier sur la route de Béthanie à Jérusalem ; — quand enfin il meurt sur le Calvaire, supposerons-nous qu’on se soit contenté, pour tous ces mouvements de scène et pour bien d’autres, des six étages d’une seule maison ? Quoi ! le Calvaire au cinquième, la flagellation dans une loge du quatrième ; et les danses de la jeune Salomé, l’expulsion des vendeurs du Temple, dans les deux autres loges du second et du troisième ! Mais ces vendeurs du Temple, où le fouet de Jésus-Christ les aura-t-il chassés ? Et je ne parle pas de la splendide entrée à Jérusalem ; de ces enfants qui gardent les portes de la ville ; de ce concours de jeunes filles, de veuves et de vieillards qui jettent leurs habits