Et l’on peut ajouter ce passage des Enfances Ogier :
Il vielerent tous doi d’une chanson
Dont les vieles estoient targe ou blason ;
Et brans d’acier estoient li arçon.
« Ils viellèrent avec des vielles dont la table était de fer ou de
cuivre, dont l’archet était de glaives d’acier. » Dans deux autres
chansons, celles de Garin de Monglane et de Beuve de Hanstonne,
nos manuscrits offrent deux miniatures de vielleurs, et l’instrument
dont ils jouent est exactement le violon d’aujourd’hui. Voilà,
je l’espère, M. Génin suffisamment édifié sur les sources auxquelles
Du Cange, M. Fauriel et tous les philologues avaient puisé.
Qu’il me permette encore de le renvoyer à un petit travail curieux
de feu Bottée de Toulmont, publié dans l’Annuaire de la
Société de l’histoire de France, année 1838, sous le titre : Instruments
de musique en usage dans le moyen âge (pages 186 à
200).
Chapitre VI. — Remaniements de Roland. — De M. Fauriel nous passons aux trouvères qui avaient eu l’insolence, au treizième siècle, de retoucher à l’ancien texte de la Chanson de Roncevaux. Il était pourtant aisé de les justifier. Sans doute on doit regarder aujourd’hui les textes d’Oxford et de Venise comme les plus anciens et les plus précieux ; il n’en est pas moins certain que les progrès de la langue et du sentiment littéraire sont heureusement marqués dans les remaniements postérieurs. La grande époque de Philippe-Auguste et de saint Louis ne mérite aucunement les reproches inconsidérés que lui adresse M. Génin, et pour en parler avec cette hauteur, il eût fallu mieux en étudier les productions. Jean Bodel et Adam de la Halle ; Quenes de Béthune et le roi de Navarre, Guillaume de Lorris, Jean de Meung et les mille conteurs de fabliaux témoignent assez du goût et de l’esprit poétique de ce temps-là. Si les trouvères ont alors touché aux anciennes chansons de geste, ils l’ont fait d’une main habile et discrète ; ils en ont écarté les exagérations barbares, les lieux communs ridicules, les contradictions palpables ; ils les ont fortifiées de compléments heureux, de détails poétiques qui retiennent l’esprit de l’auditeur sur les points le mieux faits pour l’intéresser. Ainsi, le texte d’Oxford passe trop rapidement sur le touchant épisode de la belle Aude, et sur la première vengeance de