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syllabe du mot ne pût représenter le latin caro ou caput. Voilà le plus affreux de mes déportements ; mais on conviendra qu’il ne m’obligeait pas à terminer ma misérable vie, j’étais jeune alors, dans un couvent de trappistes, au lieu d’attendre l’occasion d’exprimer mon sentiment sur la troisième édition de la Chanson de Roncevaux.

Ce mot une fois passé, le reste nous donnera moins de peine. Un imprimeur écrit, dans mon édition de la Chanson d’Antioche, erint au lieu d’erunt ; je reconnais aussitôt la faute, et la bonne lettre sautée est rétablie dans l’errata, rejeté suivant l’usage à la fin du texte[1]. La faute était d’ailleurs si palpable, qu’en vérité je ne conçois pas que j’aie pris la peine de la relever ; mais enfin je l’ai relevée. Eh bien, cela n’empêche pas M. Génin de s’écrier : « Croiriez-vous qu’il ne sait pas conjuguer le verbe sum ! » Pour moi, je ne croyais pas qu’un galant homme s’avisât jamais de chercher dans un errata l’occasion de gros reproches, pour les fautes qu’il y trouvait corrigées.

Mais expanditus ! est-ce le participe régulier d’expandere ? Non, vraiment ; aussi ne l’ai-je donné que comme appartenant à la très-basse latinité, et pour l’opposer à l’expanutiri de Ménage. Il est à noter que je n’ai pu mettre les listes de du Cange à contribution, sans être menacé du fouet et des férules de notre gracieux pédagogue ; comme si le français primitif n’était pas le voisin le plus proche de la latinité dégénérée ! Au reste, quand j’ai cru pouvoir recourir au latin véritablement classique, je m’en ai pas été plus avancé. Écoutez plutôt :

« Aouvrir est visiblement aperire. M. Paris ne manque pas d’expliquer aouvert par adopertus, qui signifie juste le contraire. » Ainsi, j’aurais donné adoperiri pour le synonyme d’aperire. Revoyons le passage cité : c’est à la page 127 de Berte aux grans piés. Blanchefleur, qui est remplie, couverte de toutes sortes de bonnes qualités, avait affranchi les serfs qui la trahirent :

Blanchefleur, qui moult est de tous biens aouverte,
Les jeta du servage…


« Aouverte, » dis-je en note, « comblée. Adoperta. » Qu’en pensent maintenant les lecteurs de M. Génin ? Aouverte répond-il encore

  1. « Page 2, note 2. Erint, lisez Erunt. » (Chanson d’Antioche, II, p. 377.)